Bucarest (AFP) - Contraint de combler son déficit public, le gouvernement roumain mise sur les jeux de hasard très prisés par la population de cet ancien pays communiste, au risque de tuer la poule aux œufs d'or à coup de fiscalité excessive.
Suite à un accord en décembre avec le Fonds monétaire international (FMI), ce pays de 19 millions d'habitants, l'un des plus pauvres de l'Union européenne, s'est engagé à réduire son nouvel endettement à 1,83% du Produit intérieur brut (PIB) en 2015, contre 2,2% l'année dernière.
En quête de recettes tous azimuts, le gouvernement de centre-gauche de Victor Ponta a adopté, à la veille de la Saint-Sylvestre, un décret qui d'une part régule les jeux en ligne, d'autre part prévoit une augmentation des taxes sur les machines à sous, les paris sportifs et les casinos.
"Nous estimons que les jeux en ligne rapporteront 100 millions d'euros en taxes directes en 2015", a indiqué à l'AFP la présidente de l'Office national pour les jeux de hasard (ONJN), Cristinela Nistor.
La nouvelle loi "vise à augmenter les recettes publiques et stimuler le marché, tout en harmonisant la législation roumaine avec les normes européennes", souligne-t-elle.
Estimé à 800 millions d'euros, en net recul par rapport aux dernières années avant la crise, le marché des jeux de hasard (hors internet) a apporté près de 150 millions d'euros (soit 0,1% du produit intérieur brut) dans les caisses de l'Etat en 2014, selon l'ONJN.
La légalisation des jeux sur internet est également saluée par les opérateurs. Elle "va enfin ouvrir un robinet qui était fermé", s'est félicité le président de l'Association des organisateurs de jeux de hasard, Cristian Pascu.
Selon lui, plusieurs centaines de milliers de Roumains bravaient l'interdiction (assortie de peines de prison de six mois à deux ans) pour se connecter à des sites web - notamment de poker - ouverts à l'étranger, alors que la Roumanie tardait à accorder des licences pour l'organisation de tels jeux.
- "taxe sur le vice" -
Mais les opérateurs mettent en garde contre les effets du deuxième pan du décret, la hausse des taxes, qui sont déjà selon eux "à la limite du supportable".
Pour obtenir le droit d'organiser des jeux de hasard en Roumanie, un opérateur devra désormais payer une taxe annuelle pouvant aller jusqu'à 180.000 euros, selon son chiffre d'affaires. Les opérateurs de machines à sous paient quant à eux l'addition la plus salée, leur taxe grimpant de 5.700 à 20.000 euros par an.
"Cette mesure entraînera une contraction du marché et n'apportera donc pas davantage de recettes publiques", affirme Alexandru Debrezeni, directeur de l'association Romanian Bookmakers.
D'autant plus que "depuis la crise, l'appétit des Roumains pour les jeux d'argent a fortement baissé", indique à l'AFP le président de l'Association des organisateurs de casinos (AOCR), Sorin Constantinescu, soulignant qu'ils déboursent moins.
Les casinos, dont le nombre est passé de 22 en 2009 à cinq aujourd'hui, attirent à peine une cinquantaine de clients par jour, contre une moyenne de 400 auparavant. Les sommes mises en jeu ont chuté, s'élevant à environ 50 euros actuellement par joueur.
En revanche, le nombre de machines à sous, très prisées par les Roumains, a augmenté, s'élevant à 72.000 actuellement, contre 60.000 en 2009. Et le nombre de salles de jeu a explosé dans les grandes villes, les enseignes lumineuses agissant comme un aimant pour les jeunes.
Le décret impose en outre une nouvelle "taxe sur le vice", dont le montant varie selon la taille des opérateurs, et prévoit la création d'une fondation chargée de lutter contre l'addiction, un organisme auquel ils seront contraints de verser des contributions annuelles allant de 1.000 à 5.000 euros.
Malgré ces coûts supplémentaires, les opérateurs rêvent déjà du jour où la Roumanie organisera son premier "festival de poker", une nouveauté également contenue dans le décret. Pour M. Constantinescu, "un tel tournoi pourrait attirer des milliers de touristes étrangers, prêts à dépenser des sommes importantes".
(source : challenges.fr/AFP)