Les casinotiers perdent la main: aujourd’hui, c’est Joa qui se fait racheter; hier, Partouche renégociait sa dette… Bref, le secteur traverse une mauvaise passe.
Le troisième casinotier français change de mains. C’est dans un contexte économique difficile pour le secteur que Joa Group, propriétaire d’une vingtaine de casinos en France, a été vendu. Nouveaux propriétaires: le fonds d’investissements britannique Alchemy capital et le financier nord-américain Davidson Kempner.
La vente de Joa, d’après Les Echos, est la conséquence de la renégociation de sa très lourde dette. Le groupe de jeux cumulait en effet plus de 330 millions d’euros de créances. Une partie a été convertie en capital de sorte que la dette a été ramenée à 120 millions. Cette opération a provoqué la dilution des deux actionnaires principaux de Joa, Bridgepoint et Loto-Québec.
Cette restructuration s’accompagne du déblocage d’une ligne de crédit de 30 millions d’euros. De quoi accompagner le développement du casinotier et notamment l’ouverture d’un casino à La Seyne-sur-mer en 2016.
Joa Group, qui était sous le coup d’une procédure collective, traverse une passe compliquée. Cette année encore, son produit brut des jeux sera en recul à 170 millions d’euros. "Joa tombe entre les mains de financiers dont les exigences ne seront pas les mêmes que celles de Loto-Québec, il faut s’attendre à un plan de cessions de quelques établissements", pronostique un concurrent.
Partouche a maigri
Joa Group n’est pas le seul à connaître des difficultés. Le marché devrait être en recul de 3,5% cette année. En 2014, Partouche, placé pendant neuf mois sous mandat ad hoc, a fini par renégocier sa dette avec ses principaux créanciers. Celle-ci avoisine maintenant les 170 millions d’euros, contre 230 millions avant son programme de cessions d’établissements.
Le leader Barrière a, lui, obtenu en juin dernier, un prêt syndiqué auprès d’un pool d’investisseurs. Montant 325 millions d’euros remboursables d’ici à 2018. Mais ce groupe préfère aujourd’hui consacrer l’essentiel de ses investissements à l’hôtellerie: une enveloppe de 200 millions vient d’être débloquée dans ce sens. Son chiffre d’affaires sera, pour lui aussi, en recul cette année. Seul le groupe Tranchant enregistre un endettement non significatif.
Nouvelles obligations
La situation des casinotiers a commencé à se dégrader en 2006, date à laquelle le contrôle d’identité est devenu obligatoire à l’entrée. L’année suivante, le tabac a été proscrit dans tous les casinos de France. Deux mesures qui ont coûté l’équivalent de 20% de chiffre d’affaires annuel au secteur d’après la Fédération des casinos de France.
De plus, les jeux en ligne qui se sont multipliés ont créé une autre forme de concurrence. Il faut savoir que "les joueurs font en moyenne 50 kilomètres pour aller au casino", constate un opérateur. Ce qui représente un vrai effort.
La crise conjoncturelle de 2008 n’a pas arrangé les choses. La plupart des casinotiers avaient choisi de s’endetter pour construire de nouveaux établissements, mais c’était avant 2006, à une époque encore florissante pour le secteur. Le groupe Barrière a ainsi dépensé en 2005 quelque 100 millions d’euros pour ses casinos de lille et Toulouse ouverts… en 2010, en pleine crise du secteur!
Mauvaise répartition
"Il y a trop de casinos en France, en tout cas ils sont mal répartis sur le territoire", souligne un acteur du secteur. La plupart se situent sur le littoral alors que l’Ile-de-France n’en possède toujours qu’un seul, celui d’Enghien-les-Bains. Le ministère de l’Intérieur, qui a commandé un rapport à l’Inspection générale de l’administration, se pose la question d’une réorganisation de la profession. Sans pour autant donner un calendrier précis. Trop risqué!
(source : challenges.fr/Thiébault Dromard)