Près de 35 000 personnes sont interdites de jeu en France. La justice rappelle qu’elles sont aussi indésirables sur la Toile, où les paris sportifs font florès.
En 2012, le tribunal administratif de Pau avait donné la migraine aux fonctionnaires du bureau des cercles et jeux du ministère de l'Intérieur. Contre toute attente, la juridiction avait ordonné la levée de l'interdiction de pratiquer des jeux en ligne dont faisait l'objet un parieur. Deux ans plus tôt, ce dernier, dans un accès de lucidité, avait certes demandé à être exclu des salles des jeux et autres casinos. Mais ce passionné de football ne pensait pas que cette mise à l'index pouvait aussi concerner les paris sur le Net, dont la légalisation allait intervenir quelques mois plus tard.
Interdiction volontaire
Début 2013, près de 35 000 personnes figuraient sur le fichier des interdits de jeu. Au sein de cette population, apparaissent des repris de justice dont l'addiction a créé des dommages et à qui les juges ferment l'accès aux tapis et aux machines à sous. Mais pour l'essentiel, il s'agit de joueurs pathologiques qui ont fait eux-mêmes la démarche de s'exclure. Ils ont écrit au ministère de l'Intérieur puis ont été convoqués par l'un des correspondants régionaux du service des courses et jeux pour signer un document.
Initialement prévue pour les casinos, l'interdiction volontaire a été étendue aux jeux en ligne et donc aux paris sportifs, dont les mises ne cessent d'augmenter. La loi votée en 2010 contraint les opérateurs à opposer une fin de non-recevoir aux grands brûlés du jeu. Depuis la légalisation, un quart des personnes placées sur liste rouge ont tenté d'ouvrir un compte sur la Toile. En vain. Les professionnels qui ont accès au fichier géré par le ministère le consultent en permanence : 16 requêtes sont en moyenne enregistrées par… seconde !
Les interdictions prononcées par l'administration sont valables pour une durée minimale de trois ans et elles ne sont pas révisables. Aucun retour en arrière n'est possible et il n'est pas davantage envisageable de limiter l'interdiction à tel ou tel type de pari. Le tribunal administratif de Pau, pour donner raison au parieur, s'était appuyé sur la Convention européenne des droits de l'homme qui consacre le droit au respect de la vie privée et bannit toute ingérence d'une autorité publique si celle-ci n'est pas prévue par la loi.
Vie privée et santé publique
Seuls des motifs liés à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique, à la protection de la santé, de la morale et de la liberté d'autrui peuvent limiter la liberté d'action d'un justiciable. La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi jugé par le passé que la liberté d'expression des utilisateurs d'internet ne pouvait être absolue. Les magistrats de la cour administrative d'appel de Bordeaux se sont inspirés de cette jurisprudence pour mettre à néant le jugement du tribunal de Pau, qui estimait qu'il n'y avait pas lieu à ce que l'État brime ce justiciable accro au ballon rond.
« Les jeux et paris en ligne qui ne sont autres que des salles de jeux virtuelles sont de nature à générer des comportements excessifs ou pathologiques, à tendance addictive, pouvant de ce fait porter atteinte à la santé du joueur voire aux droits et aux libertés d'autrui ou même dans des cas extrêmes provoquer des atteintes à l'ordre ou des infractions pénales », observe la cour administrative. La liberté de participer à des jeux d'argent s'arrête là où commence l'impératif de sauvegarde la santé des parieurs.
(source : sudouest.fr/Dominique Richard)