Les conclusions du rapporteur public, qui a demandé jeudi, l'annulation de l'autorisation d'exploiter des jeux à La Seyne et à Sanary (Var-matin de vendredi), provoquent inquiétude et colère parmi les partisans des projets de casinos. Réactions des acteurs concernés.
Marc Vuillemot « déterminé »
Le maire de La Seyne estime que, si les juges devaient suivre l'avis du rapporteur public, ce serait « une catastrophe et un scandale ». Explication : « Les conséquences seraient extrêmement lourdes (...) sur les finances de l'Etat, sur celles de la commune, sur l'emploi, sur la dynamique économique et sur la structuration du développement de tout un territoire ».
Le maire est d'ailleurs « très surpris » par le motif soulevé par le rapporteur public, « surtout dans le contexte de libre concurrence dont on nous rabat sans cesse les oreilles ». « C'est d'autant plus étonnant, ajoute M. Vuillemot, que la proximité de casinos ne choque personne en matière de concurrence du côté de Fréjus / St-Raphaël, ou de La Ciotat / Cassis. »
Déterminé« à défendre la Ville », le maire annonce sa contre-attaque : il va « faire entrer la commune dans l'instance. La Ville aurait en effet dû être appelée à la barre. Elle ne l'a pas été. Je vais donc me constituer tierce opposition » afin d'éclairer les juges sur les conséquences socio-économiques d'une décision d'annulation. Et « si ces éléments n'étaient pas pris en compte, je n'hésiterais pas à dire que l'intégrisme juridique est tout aussi condamnable que l'intégrisme religieux », ose M. Vuillemot.
Et d'affirmer que « si le jugement(1)ordonnait l'annulation de l'autorisation des jeux à La Seyne, je défendrais les intérêts de la commune en attaquant l'Etat en responsabilité pour faute lourde. Il n'y a pas de raison que les Seynois paient les conséquences d'une erreur qui n'a pas été commise ici. »
Dylan Peyras (Joa) « stupéfait »
Le directeur du casino Joa des Sablettes avoue sa« stupéfaction » après l'audience du TA de Toulon. Motif :« Il y a des zones en France, à commencer par les Alpes-Maritimes, où la concurrence entre casinos est beaucoup plus forte que dans le Var. Dans les Alpes-Maritimes, il y a onze casinos sur 15 kilomètres alors que, dans le Var, il y a de la place sur les différents bassins de vie. La preuve : la clientèle qui fréquente le casino des Sablettes provient à 80 % de Toulon et de La Seyne. »
Estimant qu'une décision d'annulation reviendrait à favoriser une « situation de monopole » (celle du casino de Bandol) au détriment de « la libre concurrence » qui prévaut en Europe, Dylan Peyras rappelle que « deux ministres de l'Intérieur ont validé les jeux à La Seyne : Claude Guéant en mars 2012, et Manuel Valls en juillet 2013(2). »Du coup, le représentant du groupe Joa estime« inconcevable que notre autorisation de jeux puisse être invalidée ».Et d'insister : « J'espère qu'à un moment, on va considérer les 52 salariés qui travaillent depuis 18 mois aux Sablettes, les 60 emplois supplémentaires que nous allons créer en centre-ville, et la centaine d'emplois induits sur le chantier de construction. »
Ferdinand Bernhard déconcerté
Déconcerté par les conclusions du rapporteur public, le maire de Sanary rappelle que « le recours en référé intenté par Partouche en 2012 avait été rejeté. J'en déduis qu'alors, la justice avait considéré qu'il n'y avait pas d'urgence à se prononcer sur un problème de concurrence. »
En outre, Ferdinand Bernhard considère que, « quand le ministre de l'Intérieur, éclairé par la commission supérieure des jeux, a pris sa décision, il savait pertinemment qu'il allait y avoir deux nouveaux casinos dans l'ouest-Var. Donc, je n'imagine pas qu'il n'ait pas regardé les conséquences de sa décision. Et ce, d'autant que le ministère avait décalé l'examen de la demande d'autorisation des jeux à Sanary, afin d'étudier simultanément ce dossier et celui de La Seyne. Il semble que, pour le rapporteur public, le problème est que cela n'a pas été écrit dans l'arrêté ministériel. On est dans du formalisme un peu excessif. »
Luc Leborgne (Vikings) incrédule
Luc Le Borgne, directeur-général de Vikings casino, chargé du dossier sanaryen, était présent au tribunal administratif de Toulon, jeudi. Il a écouté, incrédule, les conclusions du rapporteur public. « C'est totalement incompréhensible, déplore-t-il.Le ministère a forcément pris en considération les éléments d'impact des deux casinos, puisque notre dossier a été étudié plus tard que prévu, afin que les deux autorisations soient délivrées simultanément. »
Pour Luc Le Borgne, l'argument d'une éventuelle saturation dans le secteur ne tient pas. « Le bassin est totalement sous-équipé. On compte une machine à sous pour 1 333 habitants dans le Var et les Bouches-du-Rhône, alors qu'il y en a une pour 409 habitants dans les Alpes-Maritimes. » Le patron de Vikings estime encore que, malgré les craintes du casino bandolais, la concurrence n'est pas forcément négative, dans cette branche. « Le casino de Fréjus a ouvert en décembre et le casino de Saint-Raphaël a fait + 3 % sur le même mois. […] Le casino de Bandol subit une érosion importante de ses revenus depuis 2004, bien avant l'ouverture du casino provisoire à La Seyne. »
François Trucy surpris
Selon le sénateur du Var François Trucy, membre de la commission supérieure des jeux (CSJ), la conclusion du rapporteur public est« surprenante car elle ne tient pas compte du travail effectué en amont par le ministère et ses services. Un travail lent et précautionneux, notamment sur les notions de concurrence. Etant donné qu'il y a déjà plus de 180 casinos en France, il ne faut pas avantager l'un ni désavantager l'autre. C'est même devenu une préoccupation majeure de la CSJ dont l'étude se fait sur la notion de bassin de jeux et, dans le cas des dossiers seynois et sanaryen, c'est une notion de conséquences cumulées qui a été prise en compte. L'argument du rapporteur public est donc inconsidéré et je ne vois pas le ministère y rester insensible. (...) »
(source : varmati
n.com/M. G.)