La Financière Ficaudière joue pleinement de ses racines bretonnes pour se développer dans l'univers des casinos. Une stratégie payante initiée par son fondateur Alain Aupiais.
Après Fréhel, Saint-Quay-Portrieux et Quiberon, Alain Aupiais, fondateur de la Financière Ficaudière, vient de s'offrir deux nouveaux terrains de jeux en chipant, aux nez et à la barbe des grands groupes nationaux, la gestion des futurs casinos de larmor-plage et Vannes. Un succès qui conforte la stratégie de cet entrepreneur, discret et passionné, dans sa volonté de construire un groupe 100 % breton dans l'univers des bandits manchots, Texas Hold'em et autres roulettes.
Premiers pas à Pornichet
Pourtant, contrairement à des Partouche ou des Barrière, Alain Aupiais n'était pas formaté pour réussir dans ce milieu. « Jusqu'à mes 40 ans, je n'y avais mis les pieds qu'une fois. C'était à Las Vegas en 1976. Plus par curiosité, je n'avais même pas joué. » Il faudra attendre 1988 pour que le « p'tit gars » de Besné en Loire-Atlantique, aîné d'une fratrie de cinq enfants, décide de se lancer. Une histoire débutée encore une fois outre-Atlantique, du côté de Chicago. « J'étais à l'époque revendeur de baby-foot et flippers pour les cafés. Lors de ce voyage, j'ai eu connaissance d'un projet visant à autoriser les machines à sous en France. » Flairant déjà la bonne affaire - l'une de ses marques de fabrique - Alain Aupiais s'associe avec un confrère, Charles Dehoey, pour racheter le casino de Pornichet. « Nous avons réalisé des travaux colossaux anticipant cette arrivée. Mal nous en a pris. Le gouvernement en place a revu sa position accordant seulement un droit d'exploitation à 12 établissements. »
Une fidélité en affaires
Exsangue, contraint d'hypothéquer ses biens, Alain Aupiais fait le dos rond. « Je me suis vu finir en chemise. » La guerre du Golfe en 1991 et l'arrivée d'un nouveau ministre de l'Intérieur débloquent finalement la situation. « Nous avons fait entrer 100 machines à sous. Les gens faisaient la queue à la porte du casino, damant le pion à notre concurrent voisin de La Baule. » Sur leur lancée, les deux associés font l'acquisition du casino de Pornic. « Nous avons réalisé des travaux d'aménagement très rapidement. Mais à deux jours de l'ouverture, un incendie a tout détruit. » Fidèle en affaires, comme en amitié, Alain Aupiais fait fonctionner ses réseaux et parvient, en moins d'un mois, à monter un casino temporaire sur le parking attenant. « Une première en France. Cela a démontré notre réactivité. Nous vivons une situation identique à larmor-plage où nous venons d'ouvrir un établissement qui laissera place, dans 18 mois, à une construction neuve. » En 1994, Alain Aupiais ouvre un casino à Plouescat (29). Suivra en 1997 le rachat de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (85) puis de Fréhel l'année suivante. « Je ne voulais pas aller là-bas, peu convaincu par le modèle économique d'un site fermé l'hiver. Quand j'ai vu un dimanche le monde à l'entrée, j'ai rapidement changé d'avis ».
Un passage dans le Sud
À l'occasion d'une énième virée à l'Ile Maurice, son pays d'adoption, Alain Aupiais fait la connaissance de Ghislaine et Marcel Nouet, patrons du groupe de BTP éponyme. De cette rencontre, il en tirera « une solide amitié à l'origine des racines bretonnes de Financière Ficaudière, officiellement créée en 2000. » Une stratégie régionaliste confortée par le semi-échec d'une aventure de quatre ans en Isère (Allevard) et dans le sud de la France (Lacanau, Biscarrosse et Mimizan). « La gestion à distance n'était pas facile. » Quelques mois après la reconstruction complète de Fréhel, les nouveaux associés - Charles Dehoey ayant cédé ses parts aux Nouet - ont connaissance de la vente du casino de Saint-Quay-Portrieux. « C'est à cette occasion qu'un pool d'entrepreneurs locaux, comme Pierre Budet, Marcel Frouin ou Michel Latouche, nous ont rejoints. » En 2005, outre quelques restaurants glanés entre-temps en Bretagne, la Financière Ficaudière acquiert le casino de Quiberon à l'Européenne des Casinos, groupe auquel elle avait vendu Pornic et Pornichet quelques années plutôt. En 2008, c'est au tour de Saint-Gilles-Croix-de-Vie de changer de main.
Un partenariat régional
Dans cette logique, rien de plus évident pour Alain Aupiais que de se porter candidat pour les appels d'offres de larmor-plage et Vannes. « Afin d'asseoir nos offres, nous avons créé la société bretonne d'exploitation des casinos, dans laquelle la Financière Ficaudière est majoritaire à 51 %. Le capital restant est détenu par deux autres groupes familiaux qui partagent nos valeurs : Viking dans le Pas-de-Calais et Arev dans le Cantal. » L'association des trois indépendants se révèle fructueuse. « Nous investissons 16 millions d'euros sur chacun des projets morbihannais. C'est une belle marque de notre engagement en Bretagne. » Et preuve que cette carte régionaliste ne s'apparente pas à du « bluff », le siège social de la Financière, basé à Pornic, sera transféré, dans quelques semaines, à larmor-plage.
Financière Ficaudière
(Pornic/larmor-plage)
P-dg : Alain Aupiais
Dg : Hugo Corbillé
Produit brut des jeux 2012 : 23,8 millions d'euros
172 salariés
02 40 82 51 34
Le marché
Avec un produit brut de jeux de 23,8 millions d'euros, sur un total de 96,9 millions d'euros enregistrés en 2012, la part de marchés de la Financière Ficaudière atteint 24,5 % en Bretagne. Elle n'est devancée que par le groupe Barrière (50,5 %), reléguant loin derrière Partouche (15 %), Tranchant et Joao. Dans un marché en baisse de 14 % sur cinq ans, l'indépendant breton est le seul à progresser avec une hausse de son PBJ de 7,7 %, là où ses rivaux affichent un recul compris entre 20,5 % (Barrière) et 16,1 % (Partouche).
Dates
1948 Naissance d'Alain Aupiais à Besné (44). 1988 Rachat du casino de Pornichet. 1998 Rachat du casino de Fréhel. 1999 Rachat des trois casinos dans le sud-ouest de la France, revendus en 2003. 2000 Création officielle de la Financière Ficaudière. 2004 Ouverture du capital de la Financière Ficaudière à une dizaine de patrons bretons. 2005 Rachat de Quiberon. 2012 Décroche les appels d'offres pour larmor-plage et Vannes. 2013 Ouverture d'un casino temporaire à larmor-plage.
« Du résultat pour investir »
À 65 ans, vous foisonnez toujours de projets de développement. Pas envie de lever le pied ?
Bien au contraire. Cette création d'un groupe breton dans le monde des jeux me plaît. Après je dois le reconnaître, j'ai pris du recul depuis 5 ans en laissant les commandes à Hugo Corbillé, mon fils spirituel qui a débuté tout en bas de l'échelle, en tant que plongeur en cuisine.
Une manière de préparer la succession...
Il faut y penser, c'est vrai. Ma fille est dans les affaires. Toutefois, tant que cette passion me guide, et même si je vis 50 % de mon temps à l'île Maurice, je resterai actif dans l'entreprise.
Cet actionnariat régional est-il véritablement stratégique ?
Pour racheter Saint-Quay-Portrieux, la carte bretonne a joué. Pour larmor-plage et Vannes, il a fallu s'associer avec d'autres acteurs régionaux pour l'emporter. Tous les actionnaires de la Financière Ficaudière partagent cette vision. Dans cette logique, depuis 10 ans, aucun dividende n'a été versé. Tout est réinjecté dans l'entreprise pour investir dans nos établissements et créer de l'emploi.
(source : lejournaldesentreprises.com/Julien Uguet)