Patrick partage la barre du TGI de Metz avec une amie entraînée dans sa combine et cinq croupiers du casino d’Amnéville.
La roulette est-elle encore un jeu de hasard ? Patrick, 60 ans, a démontré que l’on pouvait flatter la générosité de celle du casino d’Amnéville. En trichant un peu.
Dévoilée hier à la barre du TGI de Metz, sa technique repose sur l’observation d’un dysfonctionnement de la roulette semi-électronique qu’il va exploiter au détriment de l’établissement, entre janvier 2011 et le 16 mars 2012. Durant cette période, Patrick s’assoit tous les jours – « trois fois par semaine », selon lui – de 18 h à 3 h du matin au même poste fétiche : le n° 11. C’est de cette place (sur 14 possibles) qu’il agissait avec la complicité de croupiers, les cinq jugés en même temps que lui.
La technique est simple. Une fois l’ordre « faites vos jeux » lancé et les 20 secondes pour miser écoulées, Patrick leur demandait par un code précis de lancer doucement la bille. Il avait remarqué qu’à faib le vitesse, les capteurs chargés de la détecter ne fonctionnaient pas et n’allumaient pas la consigne « rien ne va plus » qui bloque les enjeux.
Il voyait le numéro avant de jouer
En temps normal, un croupier scrupuleux se rend vite compte du phénomène et reprend la main sur la machine pour presser le bouton de secours et figer le jeu. Les complices de Patrick procédaient bien à cette manœuvre, mais suffisamment tard pour lui laisser le temps de voir la bille se caser sur un numéro, de le jouer et de gagner. « C’est arrivé comme ça parce que la machine n’était pas fiable », relativise le prévenu qui ne veut pas admettre qu’il tenait là une vraie combine qu’il a partagée une dizaine de fois avec une amie d’ordinaire amatrice de bandits manchots. Son bénéfice est de comparaître, elle aussi, à côté de Patrick plutôt chiche sur ses bénéfices. « Oh, allez, 20 000 €. Mais ça s’est fait tout seul. Je donnais des pourboires » et les croupiers gratifiés se seraient d’eux-mêmes associés à son arnaque en échange de 30 % des gains et jusqu’à 50 % pour le plus gourmands. Le hasard a voulu que ces cinq-là aient tous besoin d’argent pour soulager un découvert bancaire, arrondir le Smic mensuel ou jouer dans d’autres casinos.
327 000 € de réparations
Le procureur Serge Billet n’avait guère besoin de ce choix si particulier de ses comparses pour voir le sexagénaire en « corrupteur » et demander 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 € d’amende. Il n’oublie pas pour autant les cinq croupiers en les visant de peine d’amende pour les uns et jusqu’à 6 mois de prison pour les autres.
Les cinq avocats de la défense vont discuter ces peines, mais réagiront beaucoup plus vivement aux demandes du casino. Le conseil parisien de l’établissement réclame des réparations dans une fourchette de 112 000 € à 327 000 € en demandant que les prévenus soient solidaires dans le paiement.
« C’est jackpot pour le casino », ironise un avocat messin. L’établissement est partiellement responsable de la situation en connaissant le dysfonctionnement de sa roulette depuis octobre 2010, ajoute l’un de ses confrères. Les croupiers manquaient, pour certains, de formation face aux difficultés de la machine, embraye un autre.
Le tribunal s’est prononcé dans la soirée en condamnant Patrick à 6 mois avec sursis, quatre croupiers à 4 mois avec sursis et en relaxant le cinquième. Quant au casino, il est reconnu responsable de la moitié de son préjudice et devra calculer ses pertes pour chacun des condamnés en vue d’une prochaine audience sur intérêts civils.
(source : republicai
n-lorrai
n.fr/Frédéric CLAUSSE)