Le pourfendeur des jeux de grattage, débouté vendredi par la justice civile, poursuit son combat au pénal.
«J'ai perdu une bataille mais la guerre n'est pas finie, je vais faire appel et l'instruction se poursuit au pénal », a lancé Robert Riblet, vendredi, après avoir appris qu'il était débouté et condamné à payer 10.000 euros de dommages et intérêts à La Française des jeux (FDJ) par la justice civile de nanterre.
Le retraité, âgé de 67 ans, compare son combat à celui d'Erin Brockovich, cette Américaine qui avait révélé une affaire de pollution des eaux potables en Californie et dont l'histoire fut portée à l'écran. Une autodidacte, comme Robert Riblet aime à se définir lui-même. Mais ce qui passionne cet ancien ingénieur, ce sont les jeux de grattage de la FDJ, dont il est un pourfendeur infatigable. Depuis des années, il soutient que la détermination et la répartition des gains n'ont absolument rien d'aléatoire. Une opinion qu'il a commencé à se forger dès 2001. À l'époque, suite au décès de son épouse, cet ancien gamin de l'Assistance publique traîne son spleen au bar-tabac du coin. Un jour, raconte-t-il, il observe un habitué acheter un carnet entier de tickets et les gratter un par un jusqu'à décrocher le gros lot. Le détaillant range alors ce qu'il reste de tickets et sort un autre livret. Le manège recommence. Pour Robert Riblet, quelque chose cloche. Il alerte la FDJ, pensant qu'elle n'est «pas au courant de la magouille», et lui propose des pistes pour améliorer le système. Mais l'entreprise publique le renvoie dans les cordes.
Quelque temps après, il décide d'arrêter de se laisser aller. Pour se consacrer à défier le«Goliath» FDJ. Après avoir enquêté pendant trois ans, rencontré quelque 1500 détaillants et dépensé plus de 30.000 euros en jeux de grattage, ses soupçons se transforment en conviction définitive. L'homme explique s'être aperçu que les tickets n'étaient pas répartis au hasard, mais par livret de 50. Et dans trois livrets sur quatre, il n'existait qu'un seul «gros lot» supérieur ou égal à 20 euros, les autres tickets étant soit perdants, soit porteurs de montants «dérisoires». Une fois le «gros lot» remporté, les tickets continuaient d'être vendus, ce qui constitue, selon lui, une «rupture d'égalité» entre les joueurs.
En 2006, Robert Riblet se sent prêt à attaquer la FDJ en justice. Il affirme que l'opérateur de jeux lui propose alors 450.000 euros pour renoncer à son action. Puis, face à son refus, elle lui aurait fait subir des pressions: «Quelqu'un en possession des adresses de toute ma famille m'a conseillé de me taire.»
Vendredi, la justice civile a estimé qu'il n'apportait pas la preuve de ce qu'il avançait. «C'est assez incroyable alors que la FDJ a reconnu elle-même qu'elle manipulait le hasard sans qu'aucune loi ne l'y autorise, a-t-il riposté. La justice a botté en touche pour éviter un gros scandale.»
Le retraité ne veut pas lâcher. Et ce même si la FDJ a procédé à des ajustements. «Ils ont ajouté une mention à l'arrière du ticket pour prévenir que le gros lot était peut-être déjà gagné, et ils ont fractionné des gros lots en lots intermédiaires pour qu'il y ait plus de petits tickets gagnants mais, sur le fond, rien n'a changé», justifie-t-il.
«Il a un côté monomaniaque, et il n'a pas digéré que la FDJ se soit moquée de lui au début en lui disant qu'elle allait l'écraser, éclaire l'un de ses avocats. Ce qui l'énerve le plus, c'est de voir le cynisme avec lequel les puissants se font de l'argent sur le dos des pauvres.»
Le prochain round devrait se jouer devant la justice pénale. Robert Riblet y annonce déjà la venue de «trois nouveaux témoins». La FDJ, elle, s'est félicitée vendredi d'une décision «prouvant que nos 29 millions de joueurs ont raison de nous faire confiance».
(source : lefigaro.fr/Philippe Romai
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