En ayant décidé de placer le casino sous gestion municipale, le maire d'Amnéville peut gagner un jackpot de 15 MEur par an. Mais il joue seul contre tous et ne dispose pas de toutes les cartes. L'atout maître est dans les mains de Sarkozy.
Le conseil municipal d'Amnéville a suivi son maire, il a voté la résiliation du contrat de concession du casino au Groupe Tranchant et décidé la création d'une régie municipale de gestion (lire RL du 23 janvier dernier). "Il relève du pouvoir discrétionnaire des communes de choisir le mode de gestion d'une activité de service public: soit elle délègue ce service, soit elle s'en charge elle-même. C'est ce que nous avons fait et je ne reviendrai pas en arrière", dit Jean Kiffer. Sa fermeté est appuyée sur un décret de 2001 qui précise le rôle des régies municipales et sur les conclusions des juristes patentés auxquels il a demandé d'examiner les textes à la loupe. Rien, a priori, ne s'oppose à ce que la commune d'Amnéville exploite directement l'établissement de jeux et empoche, en plus de la ristourne qui lui revient de droit, les 15 MEur annuels d'excédent d'exploitation des salles de jeux. "Je ne peux pas croire que la Préfecture, par exemple, n'épouse pas les objectifs d'intérêt général d'une collectivité qui veut faire une telle expérience et injectera 15 MEur dans l'économie lorraine", assure le maire.
Expérience? C'en est une en effet. Car contrairement à nos voisins européens de Hollande ou de Sarre (avec laquelle Amnéville veut d'ailleurs signer une convention de coopération) il n'existe pas, en France, d'exemple de casino géré par la puissance publique. Et c'est là où le bât blesse, là où les adversaires de Jean Kiffer peuvent reprendre la main.
"Sinon, on ferme"
Débouter un casinotier, "parce qu'il se contente de prendre l'argent et n'investit rien dans la commune, parce qu'il n'a pas terminé l'hôtel prévu dans le contrat et l'a laissé à l'état de verrue dans le paysage du site thermal", c'est une chose.
Donner, aux yeux des puissantes sociétés casinotières qui gèrent les roulettes de France et de Navarre, le "mauvais exemple" aux autres municipalités, en est une autre. "Je n'ai rien contre les casinotiers qui investissent pour le bien des villes où ils sont implantés" se défend Jean Kiffer. Mais il ajoute aussitôt: "Qu'on ne compte pas sur moi pour une quelconque compromission. La commune n'a pas à céder à la puissance mafieuse". Et encore: "A l'heure actuelle les sociétés de casinos sont presque toutes représentées en bourse et servent donc à alimenter les fonds de pension américains, n'est-il pas préférable que l'argent de notre casino serve aux Lorrains?"
La réponse n'appartient pas au maire d'Amnéville. Elle est entre les mains de Nicolas Sarkozy. Donner à la régie municipale l'autorisation de jeux, sans laquelle il n'y a pas de casino, relève du pouvoir discrétionnaire du ministre de l'Intérieur. Jean Kiffer, au cours d'une deuxième entrevue au ministère, essaiera la semaine prochaine de convaincre les collaborateurs du ministre du bien-fondé de sa démarche. Et si la réponse est malgré tout négative? "Si l'Etat refuse l'autorisation de jeux, le casino ferme".
(source : republicain-lorrain.fr/Guy HOMBOURGER)