Dix personnes sont jugées depuis mercredi pour extorsion de fonds et association de malfaiteurs.
C'est un procès qui signe la fin d'une époque, quand les gangs corses contrôlaient les salles de jeux parisiennes. La justice a ouvert la porte mercredi et jusqu'au 21 décembre d'un cercle de jeux parisien huppé, le Wagram, soupçonné d'avoir servi au blanchiment d'argent de voyous corses. Au cœur de ce procès, la journée du 19 janvier 2011, quand l'établissement de jeux a été le théâtre d'une passe d'armes entre clans. En toile de fond, se trouvaient alors les dissensions qui déchirent le gang corse de la Brise de mer dont les principales figures ont été tuées au cours des dernières années. Dix personnes sont renvoyées devant la 14ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pour extorsion de fonds et association de malfaiteurs.
Le lieu. Le cercle de jeux Wagram, situé à quelques centaines de mètres de l'Arc de Triomphe et des Champs-Elysées, ce sont 28 tables de jeux réparties sur les trois niveaux d'un superbe immeuble haussmannien. Un des haut-lieux du poker à Paris.
Mais derrière les tapis verts et les lambris, se jouait une autre partie de cartes dans les coulisses : une "bataille corse".
Le contexte. Richard Casanova, assassiné en 2008. Francis Guazelli, mort en 2009. Ces deux figures historiques du gang de la Brise de mer sont considérées par les enquêteurs comme les dirigeants occultes du cercle. C'est le frère de Francis, Jean-Angelo, officiellement producteur d'huile d'olive, qui a repris les rênes de l'établissement après sa mort, au grand dam des proches de Casanova qui tentent à l'époque de renverser la situation avec d'anciens membres de l'équipe.
C'est ce qu'ils sont en passe de réussir le 19 janvier 2011, lorsque le beau-frère de Casanova, Jean-Luc Germani, accompagné de huit comparses, débarque au cercle. Ils ignorent que l'établissement est sous surveillance, dans le cadre d'une autre procédure, et que la police ne perd pas une miette du spectacle.
Passe d'armes en coulisses. Tandis que Germani et Antoine Quilichini, dit "Tony le boucher", restent à l'extérieur du bâtiment, un autre groupe se rend dans les bureaux faire comprendre aux dirigeants de la juteuse entreprise que le vent a tourné. Le Wagram et son petit frère, L'Eldo ont changé de mains.
"Je suis Corse. Quand j'ai affaire à des Corses et qu'on me demande de partir, dans le doute je pars", expliquera plus tard un des "limogés" pour justifier à la police cette évicition un peu facile, relate le Parisien Mais le changement de direction fera long feu. En juin 2011, un coup de filet policier a permis l'interpellation de la plupart des protagonistes et le cercle a été fermé.
Voyous en cavale et acteurs de "Mafiosa". Trois protagonistes de ce "putsch" ont échappé aux enquêteurs : Jean-Luc Germani, Stephane Luciani et Frédéric Fédérici, sont en cavale depuis juin 2011. Ils seront jugés en leur absence. Les deux premiers sont également poursuivis pour l'assassinat, en 2008, de Jean-Claude Colonna, cousin de l'ancien "parrain" du sud de l'île Jean-Jé Colonna, mort en 2006.
Restent sur le banc des prévenus six hommes et une femme, aux profils variés: professionnels du monde du jeu, voyous corses et même deux acteurs de la série de Canal+ "Mafiosa", dont Frédéric Graziani.
Un dossier toujours ouvert. Un autre volet de l'enquête visant alors l'équipe écartée en 2011 est toujours ouvert. Parmi les mis en examen, soupçonnés d'extorsion de fonds et blanchiment, figurent Jean-Angelo Guazelli et un policier à la retraite, Honoré Renon.
Selon les juges d'instruction, le rôle de de ce dernier, président de l'association du cercle, contribue à "jeter le trouble sur les liens pouvant exister entre les mis en cause et le milieu policier". En avril, le patron du renseignement intérieur de l'époque, Bernard Squarcini, avait été entendu comme témoin, son nom revenant parmi les contacts de plusieurs membres du cercle.
(source : europe1.fr/Marc-Antoine Bindler/AFP)