Rien ne vaut, paraît-il, un petit tour au casino pour se remonter le moral. Surtout en temps de crise économique : l'industrie des jeux d'argent ne connaît pas vraiment le marasme ambiant. Petites mises (20 euros en moyenne), joueurs expérimentés (les deux tiers ont plus de 60 ans), mais gros bénéfices à la sortie. L'an dernier, alors que la France frôlait la récession, les 180 établissements tricolores ont battu un nouveau record : le produit brut des jeux (PBJ), l'alpha et oméga de la profession, a dépassé les 2,54 milliards d'euros, en hausse de 3,8 % sur l'année précédente. «L'avantage des casinos, c'est qu'ils lissent la crise : quand tout va mal, l'activité y baisse de 2 % à 3 % seulement, alors que d'autres secteurs comme l'hôtellerie par exemple perdent leur chemise», explique un expert du secteur.
Synergies. Ce n'est pas le groupe Accor qui dira le contraire. Secoué par une conjoncture internationale qui pèse lourd sur le tourisme (ses bénéfices du premier semestre 2003 ont plongé de 52 %), le numéro un européen de l'hôtellerie était aussi propriétaire d'Accor Casino avec 24 établissements. Il vient de les refiler à Groupe Lucien Barrière. Lequel se voit propulsé au premier rang français. Avec un pedigree qui risque de faire pâlir le groupe Partouche, ex-numéro un, détrôné par le nouvel ensemble : Groupe Lucien Barrière et son nouvel ami Accor Casino contrôlent désormais 37 établissements de jeux (dont le premier de France, à Enghien-les-Bains, Val-d'Oise) et encaissent les jackpots de 4 656 bandits-manchots rutilant d'électronique. Ce n'est pas tout : une fois les joueurs fatigués d'avoir perdu, il suffit de leur suggérer de prendre une bonne chambre pour la nuit dans un des treize hôtels de luxe de Groupe Barrière à Paris, Deauville ou ailleurs. C'est ce que les analystes financiers appellent des synergies : le propriétaire des casinos pourra les faire jouer à fond avec Accor, notamment pour les réservations ou les «packages touristiques» casino-hôtel compris.
Mais les bénéficiaires de cette fusion voient plus grand. Le rapprochement Barrière-Accor doit transformer ce tandem en machine de guerre capable de bouffer de la part de marché, d'autant que les compères comptent un financier dans le tour de table du nouveau groupe casinotier : le fonds d'investissement américain Colony Capital a pris 15 % et mis 100 millions d'euros sur la table. De quoi tirer sur tout ce qui bouge en France et en Europe.
Rentabilité. A commencer par les futurs casinos de Toulouse et de Lille. Ils sont également prêts à bondir sur la municipalité de Bruxelles, qui promet l'ouverture prochaine de son premier établissement intra-muros. Groupe Lucien Barrière suit aussi de près le dossier des Pays-Bas : la privatisation prochaine de la holding publique Holland Casino aiguise tous les appétits. «Dans chacune de ses opérations, en cas de succès à l'appel d'offre, il faudra mettre 50 millions d'euros sur la table, prix de la concession et construction comprise. Or les banquiers financeront plus facilement un gros casinotier diversifié comme Lucien Barrière qu'un groupe moins solide. Ce qui donne une bonne longueur d'avance au nouvel ensemble», estime notre expert. Les banquiers ne sont pas les derniers à saliver devant la rentabilité des casinos : là où l'hôtellerie classique rapporte un peu plus de 10 % de retour sur investissement, un casino crache du 14,5 %.
(source :liberation.fr/Frédéric Pons)