Le député socialiste du Finistère, Jean-Jacques Urvoas, souhaite que le prélèvement sur le produit des jeux ne soit plus versé aux communes accueillant un établissement mais aux intercommunalités.
Finis les millions d'euros ? En octobre, lors de l'examen de la loi de finances 2013 à l'Assemblée nationale, le député quimpérois Jean-Jacques Urvoas, devrait déposer un amendement visant à réformer le « prélèvement communal sur le produit des jeux dans les casinos ».
Le parlementaire finistérien, président de la commission des lois à l'Assemblée, souhaite que l'argent de la taxe casinos (15 % du produit brut des jeux) ne tombe plus dans les caisses des communes, mais dans celles des communautés de communes ou d'agglomérations. Pour certaines collectivités, la recette dépasse souvent le million d'euros. Un sacré pactole.
« Grave erreur »
Jean-Jacques Urvoas explique sa démarche, en prenant pour exemple Bénodet, station balnéaire de sa circonscription, à 20 km au sud de Quimper. « Il n'y a pas que la population de Bénodet qui fréquente le casino Barrière, note le député. Les clients qui viennent ne sont pas que des gens de Bénodet. Je ne vois pas donc pourquoi Bénodet serait la seule à récupérer et à profiter de cet argent... »
Le maire divers droite de Bénodet, Christian Pennanech, n'est pas vraiment du même avis. Selon lui, cet amendement est « une grave erreur ». L'élu parle de « règlement de comptes politiques locaux ».
« M. Urvoas a notre commune dans le collimateur. Il a dû mal à accepter qu'ici, on ne vote pas pour lui... Mais ceci dit, le produit du casino, 1,2 million d'euros environ par an, nous le réinjectons dans l'économie locale. Car nous avons l'obligation d'investir cette somme dans le développement touristique de la commune. Si, à l'avenir, nous n'avons plus cet argent, nous ne dépenserons rien. Tant pis. Ce n'est pas cela qui va créer de l'emploi dans la région. » Les partisans d'un versement intercommunal objecteront que cette manne financière n'échapperait pour autant pas à l'économie locale.
Jean-Jacques Urvoas avait déjà tenté de faire passer cette réforme en 2008-2009. À l'époque, son amendement avait été retoqué. Mais aujourd'hui, la majorité a basculé...
Casinos de France plutôt favorable au projet
« Pourquoi pas ? Du moment que les casinos paieront la même chose... » Jean-François Cot, directeur général de Casinos de France, syndicat professionnel qui regroupe la plupart des 194 casinos français, estime « intéressante » l'idée du député Jean-Jacques Urvoas. On comprend bien l'émotion qui étreint certains élus à l'idée de devoir partager... Mais, pour les casinotiers, « c'est indifférent, pourvu que nous ne soyons pas taxés davantage ». Avec la crise, l'interdiction du tabac, les contrôles d'identité désormais obligatoires, la profession ne va pas au mieux, « moins 20 % d'activité en quatre ans. »
En moyenne 1 million par an
Les casinos français encaissent chaque année 2,3 milliards d'euros de produit brut de jeux. Sur ce PJB, 15 % maximum vont à la commune qui accueille le casino, « mais s'y ajoutent quelques produits annexes, tels que location d'immeubles et de terrains ». À la louche, cela représente une manne locale de 1 million d'euros par an. « Mais avec d'énormes écarts, selon la fréquentation des établissements », tempère Jean-François Cot. La petite commune d'Enghien « rafle » ainsi un pactole de... 30 millions d'euros par an !
Casinos de France met un petit bémol à l'idée des intercommunalités : « Souvent, le casino aide le festival local. Si le périmètre s'élargissait, ça deviendrait beaucoup plus délicat à gérer... » En revanche, Jean-François Cot trouve l'idée pertinente, « dans la mesure où elle pourrait aider à lutter contre les ouvertures de nouveaux casinos qui viennent cannibaliser les établissements existants ». Une vingtaine d'ouvertures sont dans les tuyaux, « Claude Guéant (ex-ministre de l'Intérieur) en a autorisé cinq », jugées assez intempestives, dont Fréjus, juste à côté de Saint-Raphaël. Il y a aussi le projet de Honfleur, « qui pourrait déstabiliser toute la côte du Calvados ». Et encore ceux de larmor-plage et de Vannes, dans le Morbihan.
(source : ouest-france.fr/Mickaël DEMEAUX)