Malgré la crise, les Français ont misé chaque jour en 2011 la somme record de 86,5 millions d'euros dans divers jeux et paris. Selon un sociologue, c'est parce qu'ils "ont envie de rêver".
Loto, casinos, chevaux, paris sportifs, poker en ligne: malgré ou en raison de la crise, les Français ont misé chaque jour en 2011 la somme record de 86,5 millions d'euros, l'équivalent du prix d'un Airbus A321 Neo, selon une enquête de l'AFP.A insi, les dépenses quotidiennes des Français aux jeux d'argent et de hasard sont passées en neuf ans de 47,5 à 86,5 millions d'euros.
"Dans un contexte de souffrance due à la crise, le jeu a pour les Français une double fonction, celle du rêve et celle de la consolation", dit à l'AFP le sociologue Denis Muzet. "Le jeu est un exutoire qui entretient la flamme de l'espoir", relève le président de l'Institut Médiascopie. "Les Français ont envie de rêver. Les jeux de hasard possèdent un fort pouvoir consolateur, à travers l'espérance ludique. Ils ont des vertus thérapeutiques cachées surtout en temps de crise", explique encore Jean-Pierre Martignoni, sociologue spécialisé des jeux de l'Université Lumière de Lyon.
Selon les chiffres communiqués ces dernières semaines par les trois grands opérateurs historiques (Française des Jeux, PMU, casinos) et jeudi par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), les Français ont misé en 2011 un total de 31,6 milliards d'euros (26,3 milliards en 2010). Mais ce chiffre recouvre des situations très contrastées.La Française des Jeux (FDJ) et le PMU, promis selon certains à l'effondrement avec la concurrence des jeux en ligne à partir de juin 2010, ont au contraire augmenté leurs chiffres d'affaires en 2011, de 8,5 % pour la FDJ et de 7,3 % pour le PMU.
5 milliards d'euros dans les poches de l'Etat
"Les jeux de réseau se portent très bien", commente Denis Muzet. Ainsi la FDJ (35.000 points de vente dans 12.000 communes) et le PMU (11.200 points de vente) ont fait l'essentiel de leurs recettes dans ces réseaux traditionnels. "En situation de crise, on a besoin de ce lien social que constituent ces points de vente pour se rassurer et partager ses peines", explique le président de l'Institut Médiascopie.
L'inusable Loto, redevenu en 2011 le premier jeu de la FDJ, "est très ancré dans l'univers des Français et les rassure", ajoute le sociologue.Denis Muzet souligne également la "dimension profondément égalitaire des jeux de hasard dans une société profondément inégalitaire", ajoutant que "c'est moins l'emploi qui préoccupe les Français que l'iniquité des rémunérations". Il avance même que la "loterie, c'est peut être ce qui reste de la démocratie".
Quant aux jeux en ligne (paris sportifs et hippiques, poker), ils sont loin, surtout pour les paris sportifs, d'être l'eldorado espéré. Sur les 12 mois de 2011, les mises sur les paris sportifs se sont élevées à 592 millions d'euros, contre 450 millions d'euros pour à peine sept mois d'exploitation en 2010 (ouverture du marché des jeux en ligne début juin 2010). Plusieurs opérateurs de paris sportifs comme EurosportBet (groupe TF1) ont quitté la table tandis que d'autres opérateurs réclamaient vainement une réforme de la fiscalité au gouvernement.
Le poker en ligne, en proie à une concurrence féroce, se porte plutôt bien puisque le seul poker "cash game" a doublé ses recettes, passant de 3,7 milliards à 7,6 milliards d'euros. Canel Frichet, directrice générale du site français Winamax, revendique "la première place avec 30 à 35 % de parts de marché" et prévoit même "la rentabilité pour le début de cette année". Quant à l'Etat, confronté depuis des années à des déficits budgétaires abyssaux, il peut au moins se consoler avec les jeux d'argent qui lui auront rapporté en 2011 un peu plus de 5 milliards d'euros, dont trois pour la seule Française des Jeux.
(source : lexpress.fr/Charles Platiau/Reuters)