Si la conjoncture économique se dégrade, caractérisée par une baisse du pouvoir d'achat, les joueurs n'ont jamais été aussi nombreux à jouer dans les casinos ou à acheter des billets de Loto.
Couleur de l'espérance, de l'argent, des casinos -et donc de gains mirobolants-, le vert n'a jamais autant eu la cote. En 2011, la Française des jeux (FDJ) a notamment signé une année record concernant les mises, qui s'élèvent à 11,4 milliards d'euros (+8,5% par rapport à son précédent exercice). Au total, pas moins de 27 millions de Français ont joué 8 euros par semaine en moyenne. Il en va de même pour le PMU, dont le chiffre d'affaires a pour la première fois franchi la barre des 10 milliards d'euro. Hors des frontières de l'Hexagone, les joueurs flambent également. En début de semaine, les casinos de Macao ont fait état d'un chiffre d'affaires record cette année. L'ancienne colonie portugaise a conforté sa place de numéro un mondial des jeux d'argent, loin devant Las Vegas, totalisant 267 milliards de dollars de patacas, soit plus de 26 milliards d'euros. Des chiffres qui peuvent surprendre en période de crise: ces dépenses, qualifiables d'«irrationnelles» pour tout économiste féru de statistiques, ne devraient-elles pas passer à la trappe? Il n'en est rien.
Au contraire: comme l'explique Jean-Pierre Martignoni, la «théorie de la pauvreté» s'applique ici. En clair, «plus on est pauvre, plus on joue ; plusieurs études ont déjà montré une corrélation entre la baisse des revenus et la hausse du jeu», souligne ce sociologue spécialiste des jeux d'argent. Le paradoxe n'est pas nouveau, et a déjà été mis lumière par le passé: lorsque la conjoncture économique devient maussade, acheter un billet de Loto participe correspond à «un rêve, un désir de changer de vie», en décrochant «une énorme somme d'argent», poursuit notre expert. Or, la perspective d'un gain énorme apparaît, selon lui, comme un moyen «de se refaire socialement». Et d'effacer, d'un coup de dés, les difficultés du quotidien.
Le casino, un lieu de vie
Les casinos l'ont bien compris et surfent sur cette tendance. Depuis peu, ils proposent ainsi des «mégabucks», ou «Magic Casinos Jackpot». Le principe: plusieurs machines à sous se retrouvent reliées entres elles pour donner la possibilité au joueur de rafler un gain énorme, pour une mise de départ toujours aussi faible, de 1 ou 1,5 euros. La Française des jeux n'est pas non plus en reste: elle a récemment relooké son jeu à gratter «Cash 500.000 €», qui offre une chance sur quatre de gagner de 5 à un demi-million d'euros. Sur le front du marketing, le ticket, en grand format sur font vert, renvoit l'image d'un billet de banque pour mieux séduire les joueurs.
De plus, «aux yeux de nombreux joueurs modestes, les jeux d'argent s'apparentent un peu à la Bourse, analyse Jean-Pierre Martignoni, qui écume cette industrie depuis longtemps, privilégiant les enquêtes de terrain. «Il s'agit alors d'un placement, qui peut permettre de gagner gros», renchérit-il.
Mais à l'en croire, le facteur «crise» et les campagnes de communication n'expliquent pas tout. D'après lui, le jeu demeure «une pratique culturelle», comme en témoigne «les nombreux projets de casinos en France». Entre ces murs, souvent élevés dans des petites villes, «on ne fait pas que jouer: les gens s'y rendent pour se restaurer, boire un verre, et se rencontrer», pointe-t-il. En devenant un liant social à part entière, le jeu devient alors rationnel auprès du grand public, en dépit de déprimantes probabilités de gains.
(source : lefigaro.fr/Pierre Ma
nière)