Gambling France
Le PMU lance un quotidien consacré aux courses qui risque de concurrencer Paris Turf
CONFLIT D’INTERETS DANS LE MONDE DES JEUX ?
Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin (sociologue)
Le lancement par le PMU d’un quotidien consacré aux paris hippiques (Geny Courses) soulève un certain nombre de critiques virulentes dans le monde des jeux - « conflit d’intérêts, confusion des genres… »(1) – notamment du coté de Turf Editions qui publie l’emblématique Paris Turf. Certes, ce célèbre quotidien consacré aux courses, au cheval et à la culture hippique a des bases solides - 53 000 exemplaires vendus chaque jour - et appartient à un groupe Turf Editions - 80 millions de CA - qui possède d’autres cordes à son arc ( Paris Courses, Tiercé magazine, Week-end). Mais la « Bible du turfiste », qui a perdu 10% de diffusion en un an selon l’OJD, risque d’être concurrencé par ce nouveau quotidien à cause de son prix. Il sera vendu 1 euro, contre 1,6O euro pour Paris Turf. En période de crise le prix ça compte, comme on l’a vu dans la presse télé il y a quelques années avec une pléthore de nouveaux titres qui ont trouvé rapidement leurs lecteurs.
Le principal grief fait au PMU c’est – comme le précise Jean Arthuis – « le risque de conflit d’intérêts quand un opérateur publie un journal de pronostics », d’autant qu’ici l’opérateur en question c’est l’opérateur historique, en position fortement dominante dans les paris en ligne et en position totalement dominante dans les paris hippiques en dur. E. Rohan Chabot ( Zeturf) dénonce « un mélange des genres révoltant », JH Eyraud ( PDG de Turf Editions) un « conflit d’intérêts manifeste ». Mais dans cette partie de poker menteur, l’objectivité des protagonistes du dossier a ses limites. Ainsi si le PMU met en avant l’autonomie de Geny Infos porteuse du projet, il faut savoir que cette filiale est détenue entièrement par le Pari Mutuel Urbain. Quant à Turf Editions, il est lui-même opérateur de paris hippiques en ligne, après une tentative avortée de rapprochement avec Zeturf
Alors nouveau conflit d’intérêts dans le monde des jeux ? Un de plus pourrait on dire. Nous dénonçons depuis des lustres le conflit d’intérêts scandaleux qui existe par exemple entre la Française des jeux et la doxa du jeu pathologie maladie, avec la fâcheuse impression de prêcher dans le désert. Nous nous battons depuis des années pour la mise en place d’un Observatoire pluridisciplinaire des jeux d’argent qui permettrait de les éviter tout en refusant la corrélation simpliste (jeu=drogue, jeu=addiction, jeu= maladie) qui a une nouvelle fois crée un buzz médiatique très négatif pour le secteur (2) lors de la publication de l’étude de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies ( OFDT) (3) ( ce sondage téléphonique pose par ailleurs de nombreux problèmes méthodologiques et épistémologique sur lesquels nous reviendrons dans une prochaine contribution). Nous n’avons guère été soutenu dans notre démarche par les principaux protagonistes du secteur et notamment les opérateurs, syndicats professionnels, personnalités en charge du dossier… Ceux qui dénoncent actuellement « la confusion des genres » dans cette « guerre ouverte dans la presse hippique » (4) seraient plus audibles s’ils dénonçaient tous les conflits d’intérêts qui sévissent dans le monde des jeux.
Pour aller de l’avant il faut que l’autorité publique renvoie « chacun à ses compétences » et mette en place de manière forte la nouvelle architecture ludique prévu dans le rapport Trucy, à savoir Comité consultatif des jeux, Observatoire dédié qui soit à la hauteur (économique, sociologique, culturel…) du fait social que représente les jeux de hasard et d’argent et la socialisation ludique contemporaine. Ce n’est pas le cas actuellement. Souhaitons que la clause de revoyure qui arrive prochainement à échéance ne se contente pas de rafistoler la loi sur les jeux en ligne ( fiscalité, TRJ…) mais soit l’occasion de revoir les bases et le contenu de cette architecture afin d’éviter confusions des genres et conflits d’intérêts.
© Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin, Lyon, France, 178. Septembre 2011
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Laurence Girard, Xavier Ternisien : « Le PMU va lancer un quotidien hippique, pour la concurrence il y a conflit d’intérêts ( Le Monde du 20 septembre 2011)
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« Jeux d’argent : 600 000 français ont des problèmes » ( France Soir 19/9), « Jeux de hasard et d’argent, 200 000 joueurs excessifs en France ( Le Parisien), « Jeux d’argent : 600 000 français totalement accros ( France Info 16/9), « France : 200 000 français malades du jeu ( Destination santé 19/9), « Addiction au jeu : 600 000 français menacés ( TF1 16/9) etc etc…. ( Google recensait 119 articles tous plus alarmiste les uns que les autres sur cette étude de 8 pages. Les opérateurs de jeu peuvent dire merci à la doxa du jeu pathologie maladie !
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Tendances N°77, septembre 2011 : Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010, 8 pages, OFDT ( sous la direction de JM Costes (ex directeur de l’Observatoire des drogues qui a été remercié il y a quelques mois ) et avec la collaboration notamment de Jean Luc Vénisse ( centre de Nantes financé par la FDJ et le PMU) et de Marc Valleur (centre Marmottan)
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Alexandre Debouté : « Guerre ouverte dans la presse hippique « (Lefigaro.Fr du 19 septembre 2011)