En 1994, j'ai franchi, pour la première fois, la porte de l'un des casinos vichyssois, gagnant lors de cette première, 100 000 francs. J'allais, peu à peu, moi qui n'avais jamais joué à rien, devenir sans m'en rendre compte un joueur pathologique, un joueur compulsif, un «ludopathe». A cette époque, je ne me doutais absolument de rien, j'ignorais, qui plus est, que le jeu pouvait devenir un danger... Pendant près de dix ans, j'ai fréquenté quotidiennement ce casino vichyssois, me mettant tous les jours un peu plus en danger, mettant tous les jours ma famille et mes proches en danger... Les pertes engagent des emprunts, des mensonges, les gains engagent de nouvelles pertes, toujours un peu plus importantes... Dimanche 2 novembre 2003, une émission de télévision, les Coulisses du pouvoir, ouvre ses portes au leader des «casinotiers» français, Patrick Partouche, qui claironne : «Pour gagner au casino, il faut en acheter un...» ou encore : «Je suis un fonctionnaire qui est libre de fixer son salaire» et surtout : «Je vends de l'adrénaline.» Sur ce dernier point, je suis tout à fait d'accord, l'univers du jeu est un univers de rêve où l'on n'achète que de l'illusion, mais à quel prix. Si monsieur Partouche annonce sur l'antenne ne vendre que de l'adrénaline, pourquoi n'use-t-il pas de la même honnêteté sur ses panneaux publicitaires. A Vichy, les derniers en date ne parlaient pas d'adrénaline mais annonçaient : «Faites une cure de jackpot.»
On s'interroge ouvertement sur la réussite de ces empires du jeu, sources de revenus plus qu'intéressants pour le gouvernement, les municipalités... Mais pense-t-on un jour aux dégâts que ces gains occasionnent ?
Il existe des tas de mesures et de lois pour protéger le consommateur classique : crédits, tabac, alcool, prévention routière. Pour les joueurs, consommateurs particuliers, qu'existe-t-il ? Rien... Nulle part en France, on ose affirmer que le jeu est aussi un danger... Et, c'est logique, c'est une source d'argent tellement florissante...
Habituellement, on donne davantage la parole aux victimes qu'aux assassins... Dans le cadre du jeu, la tendance s'inverse... A qui profite le crime ? A ceux à qui l'on donne régulièrement la parole afin qu'ils présentent un aspect, une facette du jeu, sans que jamais on ne laisse deviner l'envers du décor, cet envers qui ressemble fort à un enfer. Cette face-là, il faut la laisser dans l'ombre, il ne faut pas parler des choses qui fâchent...
Je vais tout faire pour mettre en oeuvre une association active afin que ce qui m'est arrivé ne se reproduise plus, ou moins.
(source : liberation.fr/Jean-Philippe Bryk, Mariol)