Environ 2 % des Français seraient des "joueurs problématiques" et 0,5 % des "joueurs pathologiques"
Quand le jeu n'est plus un plaisir mais un besoin, voire une addiction, il peut avoir des conséquences dramatiques sur la vie du joueur. C'est pourquoi trois spécialistes viennent d'écrire un livre* sur ce problème et les solutions possibles. Avant de détailler les pathologies, le Pr Michel Reynaud et le Dr Abdou Belkacem (hôpital Paul-Brousse à Villejuif) ainsi que le Pr Jean-Luc Venisse (CHU de Nantes) insistent néanmoins sur le côté positif du jeu. "Les jeux mettent en oeuvre tous les niveaux de plaisir, du plaisir archaïque, tel que gagner, à des plaisirs plus élaborés, comme celui d'échanger des émotions avec les autres", précisent les auteurs. "Le jeu remplit une double fonction psychique et sociale. Il permet à l'individu de se distraire dans un monde imaginaire tout en exprimant sa propre créativité." Le point sur les dangers d'une conduite addictive.
Quand le jeu devient-il pathologique ?
À partir du moment où une personne - le plus souvent un homme de 35 à 55 ans et ayant des ressources faibles - utilise le jeu comme "une stratégie d'adaptation alternative" pour ne pas avoir à faire face aux problèmes quotidiens, aux ennuis et aux sources de stress. Le "jeu pathologique" pourrait être le fruit d'une "mauvaise rencontre" entre un individu fragile, insatisfait, et une offre commerciale aguichante. Certains produits semblent plus addictifs que d'autres. C'est notamment le cas de jeux de hasard et d'argent.
Quelles sont les conséquences sur la vie du joueur ?
Lorsque le joueur réalise qu'il perd son argent, il tente à tout prix de se refaire. Pour arriver à ses fins, il peut mentir à son entourage pour qu'il lui prête des sommes plus ou moins importantes, voire finir par basculer dans la délinquance (surendettement, interdits bancaires, fraude, vol). Cette course effrénée au gain aura des conséquences à tous les niveaux : psychologiques (du type dépression), physiques (avec une altération du rythme de vie), familiaux et socioprofessionnels.
De plus, 25 à 65 % des joueurs pathologiques consomment ou abusent de l'alcool, et beaucoup fument.
Existe-t-il des traitements ?
D'abord, pour être aidé, un joueur doit consulter un médecin. Or c'est en général le cas très tardivement, bien souvent quand il est totalement désespéré.
Les spécialistes précisent que rien ne sert alors de prôner l'abstinence totale au jeu puisque celui-ci est une activité innée de l'être humain. Mieux vaut dans un premier temps tenter de limiter les conséquences néfastes de cette addiction, essentiellement psychologiques et financières. La dépression pourra être combattue avec un traitement médicamenteux. En parallèle, le patient devra bénéficier d'une psychothérapie ou participer à un groupe de parole. Enfin, des mesures de contraintes financières (interdits de casino, interdits bancaires, mesures de protection) permettront de limiter les effets sociaux néfastes inhérents aux jeux de hasard et d'argent.
Que peut faire l'entourage ?
Dans un premier temps identifier le problème, ce qui n'est pas toujours facile. Néanmoins, certains signes peuvent alerter, même s'ils ne sont pas spécifiques : la personne est toujours en retard et s'absente parfois de son domicile sans raison. Elle paraît tendue, préoccupée, absorbée par ses pensées. Elle peut même réagir de manière agressive et délaisser ses activités sociales.
L'entourage doit trouver le meilleur moment pour aborder le sujet, refuser de lui prêter de l'argent et tenter de la convaincre de consulter un médecin. Les proches d'un "accro" au jeu peuvent aussi demander l'aide d'une association pour joueurs en difficulté et leur entourage. Car, dans ce combat long et difficile, eux aussi ont besoin d'être soutenus.
Par Anne Jeanblanc
* Du plaisir du jeu au jeu pathologique , 100 questions pour mieux gérer la maladie, éditions Maxima, 200 pages, 14,50 euros
Les premières Journées nationales de la fédération addiction sur le thème "Faut-il avoir peur des addictions ?" se déroulent aujourd'hui et demain à Lyon.
(source : lepoint.fr/Anne Jeanblanc)