Dans un contexte national morose pour le secteur, le casino de blotzheim connaît une croissance spectaculaire. Et celui de Ribeauvillé rebondit en misant sur une offre de loisirs élargie.
Les casinos français vivent des années difficiles, avec un enchaînement de mauvaises nouvelles. Il y a eu d’abord l’instauration du contrôle d’identité systématique aux entrées, y compris pour les machines à sous, en 2006 ; puis l’interdiction de fumer en 2007, suivie de la crise économique mondiale. Enfin, la légalisation de certains jeux d’argent sur internet, notamment le poker (mais pas les autres jeux de casinos), il y a bientôt un an, a fait craindre l’apparition d’une nouvelle concurrence.
De fait, le produit brut des jeux (PBJ, différence entre les mises des joueurs et leurs gains) des 196 casinos français s’est établi à 2,29 milliards d’euros au 31 octobre 2010 (date de fin d’exercice), soit une baisse de 2,1 %, après -9 % en 2008 et -8,2 % en 2009. L’été dernier, trois casinos ont été placés en redressement judiciaire, et un autre a été déclaré en cessation de paiement.
Les trois casinos alsaciens, qui appartiennent tous au groupe Barrière, tirent-ils mieux leur épingle du jeu ? Si dans le nord de la région, celui de Niederbronn-les-Bains peine à remonter la pente (lire ci-dessous), les établissements du Haut-Rhin, récemment ouverts, poursuivent leur essor, avec plus ou moins d’éclat.
À blotzheim, le PBJ a progressé de plus de 20 % l’an dernier, pour placer le casino, dès sa 2 e année d’existence, à la 16 e place du classement français. Un résultat qui profite aux finances des communes partenaires (blotzheim, mais aussi Saint-Louis et Mulhouse), d’autant plus spectaculaire que ce casino est en concurrence directe avec celui de Bâle. Ce dernier a légèrement accusé le coup en 2009 (-6 %), mais les deux établissements cohabitent aujourd’hui sans se nuire, preuve que l’offre reste en dessous du potentiel local.
« Nous pensions récupérer des parts de marché de Bâle, mais nous avons surtout réussi à conquérir une clientèle qui ne visitait pas les casinos », analyse Jérôme Colin, directeur du casino de blotzheim. Les résultats sont même meilleurs qu’espéré. « On fait un peu plus de volume que prévu, principalement sur les tables de jeux, grâce à la proximité avec la frontière. Les étrangers représentent environ 70 % de notre clientèle aux jeux de table, contre 40 % aux machines à sous. Nous sommes devenus le 5 e casino français pour les jeux de table. »
Le cours élevé du franc suisse amplifie sans doute la donne, même si Romain Tranchant, directeur général du groupe fondé par son père (qui exploite 17 casinos en France, ainsi que celui de Bâle), relativise cet impact, en remarquant qu’ « il y a des Suisses qui n’iront jamais jouer en France, et inversement »…
Toujours est-il que si la croissance actuelle se maintient à blotzheim, le casino sera très vite saturé. « Pour optimiser, il faudrait proposer plus de machines à sous, soit en prenant sur le bar, soit en agrandissant », observe Jérôme Colin.
Un peu plus au nord, sur la Route des vins, les résultats s’avèrent plus erratiques pour le casino de Ribeauvillé, né dans la douleur en raison d’un imbroglio juridique. Le PBJ a cru de 10 % en 2008, puis baissé de 15 % en 2009 et de 3 % en 2010. « Mais en 2011, on espère 6 % de croissance, alors que la moyenne nationale devrait rester en baisse », souligne Jacques Lévêque, le directeur général, en s’appuyant sur les résultats des premiers mois.
« Quand blotzheim a ouvert ses portes, il y a eu un effet de curiosité au détriment de Ribeauvillé, mais à service égal, la proximité finit toujours par l’emporter, constate Gilles Meillet, directeur général opérationnel à l’international du groupe Barrière, qui supervise aussi les établissements alsaciens. À Ribeauvillé, la concurrence est moindre qu’à blotzheim et Niederbronn, et nous avons bien développé la communication pour aller chercher les clients allemands du côté de Freiburg. »
L’activité devrait en outre être dynamisée par l’ouverture, à la fin de l’année, d’un hôtel quatre étoiles et d’un vaste espace « spa bien-être » qui ambitionne de rivaliser avec l’offre d’outre-Rhin. « L’idée est de proposer des courts séjours à la clientèle, de la fixer en lui offrant beaucoup de choses : les jeux, le spa, le vignoble… », précise Jacques Lévêque.
Car à Ribeauvillé comme à blotzheim, les responsables mettent en avant une conception nouvelle des casinos, qui va au-delà du simple établissement de jeux, pour devenir complexe de loisirs. « Beaucoup de clients viennent découvrir chez nous ce qu’est un casino moderne, avec la restauration, le bar, les spectacles, énumère Jérôme Colin. 70 % de la surface du casino est ouverte à toute la famille, les enfants peuvent s’amuser sur des structures gonflables, il y a une promenade, des poneys… Cette variété de l’offre est ce qui nous différencie du casino de Bâle, purement joueur. »
« L’image des casinos reste sulfureuse, associée au luxe, mais ça ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui », conclut Jacques Lévêque, qui rappelle que 80 % des Français n’ont jamais mis les pieds dans un casino.
(source : lalsace.fr/Olivier Brégeard)