BERLIN - Sous le coup d'un jugement de la Cour européenne de justice, l'Allemagne cherche la meilleure solution pour conserver les recettes de ses casinos et autres jeux d'argents.
Comme à d'autres pays européens avant elle, la Cour enjoint à l'Allemagne de libéraliser le marché des jeux d'argent, loteries et paris sportifs... La CEJ a toutefois laissé une porte au monopole d'Etat: invoquer la lutte contre l'addiction aux jeux.
C'est précisément cette perche que certains des seize Etats régionaux allemands (Länder) partisans du monopole veulent saisir.
Une autre option, potentiellement plus lucrative et défendue par un autre groupe de Länder, serait de renoncer au monopole, pour mieux taxer les opérateurs privés.
Les deux options doivent être discutées lors d'une rencontre le 15 décembre, entre les présidents des Länder et la chancelière Angela Merkel.
Les "monopolistes" veulent introduire une législation plus restrictive qui viserait au premier plan les "Spielhallen", échoppes aux enseignes tape-à-l'oeil, qui font partie intégrante du paysage urbain allemand et où s'entassent des machines à sous, parfois accessibles 24h/24.
Quelque 200 à 250.000 machines réparties dans 12.000 Spielhallen génèrent 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. Une somme sur laquelle l'Etat fédéral et les Länder récupèrent 1,2 milliard d'euros d'impôts.
Au total, les jeux d'argent rapportent plus de 4,5 milliards d'euros de taxes. Un enjeu considérable dans une période où le moindre euro de recette compte.
Parmi les pistes évoquées pour durcir la loi: 1.000 mètres de distance minimum entre deux Spielhallen et une limitation du nombre de machines par boutique.
Mais sept Länder conservateurs, menés par le Schleswig-Holstein prônent au 33FF33'>contraire une libéralisation encadrée du marché des jeux d'argent et de la publicité.
A écouter Hans-Jörn Arp, élu conservateur de cet Etat régional du nord de l'Allemagne, cette solution n'aurait que des avantages.
Une libéralisation des paris sportifs, par exemple, augmenterait fortement les ressources pour les caisses publiques, explique M. Arp.
Selon une estimation du cabinet d'études allemand Goldmedia, le marché des paris sportifs représenterait déjà près de 8 milliards d'euros en Allemagne, mais seulement 6% de cette somme serait misée via les systèmes régulés par l'Etat et donc taxée.
Ce dispositif aurait même des effets vertueux pour la lutte contre l'addiction, assure-t-il, puisqu'il aurait le mérite de ramener dans le cadre législatif commun tout un pan du secteur qui y échappe pour l'heure.
Le nombre de joueurs compulsifs allemands est difficile à estimer. Le chiffre communément avancé est de 100.000 à 200.000, mais une étude du ministère allemand de la Santé estime que 1,1% de la population âgée de 16 à 65 ans, soit 600.000 personnes environ, ont "un rapport problématique voire pathologique" au jeu.
Les spécialistes de l'addiction aux jeux déplorent la focalisation sur la question du monopole, qui fait que "l'on ne s'attaque pas au fond du problème", explique Gerhard Meyer, professeur de psychologie à l'Université de Brême.
"Les limites légales de mises, de gains et de pertes sont contournées par un système de points" sur les machines à sous, dénonce-t-il.
"L'argent versé sur un compte est transformé en points. Vous pouvez miser l'équivalent en points de 6.000 euros en une fois, alors que la loi n'autorise pas les mises de plus de 2 euros", détaille-t-il.
Et s'il reconnaît qu'"il faut une offre légale sur internet", y compris dans l'optique du combat contre l'addiction, "mon opinion personnelle est que l'Etat est plus à même d'exercer un contrôle efficace que des intérêts privés".
(source : romandie.com/(©AFP)