LA PLAINE – Depuis trois mois, les joueurs compulsifs ont accès à un casino spécial où ils n’ont rien à perdre, mais surtout, tout à gagner. Sauf des $$$…
« Pour un gars qui gagne trois millions aux machines, y’a des millions de perdants », fait remarquer Carole, joueuse compulsive, autour de la table de black-jack à propos du gain record de mardi au Casino de Montréal.
Ses voisins de jeu approuvent, mi-amusés, mi-amers…
Celle qui s’exprime ainsi ne se trouve pas sur l’île Notre-Dame mais au Mini Casino de La Plaine, dans Lanaudière. Perdu au milieu des maïs, au bord de la route 335, l’endroit ressemble à un coin de Las Vegas. Le bâtiment, en forme de piano à queue, est bordé par une cascade. Devant l’entrée, trône une antique Chevrolet blanche 1938.
« C’est moi qui ai tout fait ici », explique fièrement Serge Sigouin, 60 ans, le patron des lieux.
Le jeu compulsif, il sait ce que c’est. Trop même. « J’étais prêt à tout pour ne pas m’en sortir. J’ai joué partout où c’était possible, dans les petits bars, dans les casinos, à Las Vegas, en Europe. »
Prêt à tout pour du cash
« J’ai volé pour jouer, ce qui m’a valu de la prison. J’étais même prêt à me prostituer. Je voulais du cash. C’est ça la vie de gambler. »
Depuis longtemps, il cherchait un moyen pour démontrer aux gamblers qu’il est possible d’assouvir sa passion du jeu, de s’amuser, sans souffrir et faire souffrir ses proches. Et de redevenir honnête avec soi-même.
En août dernier, après des mois de travail, son Mini Casino a ouvert ses portes.
Pour profiter des six tables de black-jack, roulette, baccara, etc., et quatre vidéopoker, il faut être membre. Et c’est gratuit !
« Chaque membre a une clé des lieux. Il peut venir quand il veut dans la limite de quatre heures par jour. »
Il obtient un crédit en achetant boissons et nourriture. Un café coûte 1 $ et rapporte 100 crédits utilisables au Mini Casino. Avant de partir, le joueur inscrit son crédit en cours sur une feuille récapitulative personnelle.
L’envers de la médaille
Toutes les huit heures de jeu, le membre doit faire une heure de bénévolat comme… croupier !
« Ça lui permet de voir ce qui se passe en face. Là, il se rend compte comment on perd », continue-t-il.
Désormais, il voudrait que son expérience fasse des petits, même s’il ne dispose d’aucune aide gouvernementale.
« L’approche que vous préconisez ne nous apparaît pas comme pouvant faire partie de notre planification régionale », lui a répondu la Régie régionale de la Santé de Lanaudière. Justement, ses clients ne risquent-ils pas de replonger ? « Non. Quand tu arrives ici, c’est que tu as déjà tout perdu. »
Carole peut enfin jouer sans angoisse...
Il y a neuf mois, Carole, prise au piège, a voulu en finir avec le jeu et avec la vie.
« C’était en janvier. Les lettres d’huissier s’accumulaient à la maison. J’étais endettée de près de 20 000 $.
J’espérais toujours gagner, payer mes comptes, mes dettes. Alors, j’ai écrit une lettre à mon chum pour lui dire qu’il ne me verrait plus le soir en rentrant. Heureusement, il l’a trouvée assez vite… »
Assise à la roulette, la femme de 52 ans fond en larmes. « Excusez-moi… »
Carole raconte qu’elle est joueuse compulsive depuis 15 ans. « Je dis que je suis joueuse parce que ça ne se guérit pas vraiment. C’est comme être alcoolique. »
Elle a commencé avec les machines illégales dans les petits bars.
« J’ai eu vite la piqûre. Je jouais environ 100 à 200 $ par semaine. Lorsque le gouvernement a installé ses propres machines, j’ai gagné de grosses sommes mais je les perdais instantanément ! »
Croulant sous l’endettement, Carole fait comme tous les gamblers. Elle a caché les lettres d’huissiers, a emprunté à son entourage, menti…
« Heureusement que mon mari était là, qu’il m’a suivie pas à pas. C’est lui qui a découvert ce lieu. Il était emballé lorsqu’il m’en a parlé… »
Elle confie aussi ne pas avoir été à l’aise avec la thérapie radicale proposée par les Gamblers anonymes.
« Ici je me sens bien. J’ai découvert le plaisir de jouer sans angoisse financière. Et je ne dépense que 3 $ par jour en café et muffin.
« C’est aussi très social alors qu’au casino on fait partie des meubles et les joueurs ne se parlent pas… »
(source : canoe.com)