Deux maisons de jeu suisses attaquées à dix jours d'intervalle: un expert français se dit inquiet face à cette vague de braquages. Et pointe certaines déficiences en matière de sécurité.
Et si les établissements de jeu étaient devenus la cible favorite des braqueurs? Dix jours seulement se sont écoulés entre le hold-up du Casino de Meyrin et celui de Bâle («Le Matin» d'hier). Sans parler de l'attaque du tournoi de poker de Berlin, début mars. Aujourd'hui, les directeurs d'établissements se disent en état d'alerte: «On est extrêmement vigilants, sans doute encore plus en ce moment», lâche Gilles Meillet, directeur du Casino de Montreux. «Est-ce qu'il y a une nouvelle mode? On peut se le demander», admet Fabrizio Barozzi, directeur du Casino de Meyrin (GE). «Je suis convaincu que ce qui est arrivé à Bâle va finir par nous arriver», renchérit Patrick Pelletier, directeur de la sécurité d'un grand casino marocain.
Une épidémie? Certains préfèrent parler d'un concours de circonstances. Reste que l'on peut sérieusement se demander si les casinos sont aussi sécurisés qu'ils devraient l'être. «On peut difficilement imaginer qu'un casino soit aussi sécurisé qu'une banque, reconnaît le Français Patrick Pelletier. Un casino est ouvert 24 heures sur 24, et on peut difficilement imaginer des sas à l'entrée de chaque bâtiment.» Pas facile d'assurer la sécurité d'une maison de jeu et en même temps de mettre à l'aise le client, renchérit Fabrizio Barozzi: «Si on commence à mettre des détecteurs de métaux et des vigiles partout, c'est tout de suite moins sexy! Un casino doit tout de même rester accueillant.»
Un simple coup de pied
Certes. N'empêche que, au dire de certains, les mesures de sécurité de plusieurs casinos laisseraient à désirer. «Pour moi, il y a une faille que les braqueurs exploitent, observe le Français Patrick Pelletier. Les propriétaires de casinos n'investissent pas assez dans la sécurité. Dans certains établissements que j'ai visités, il suffisait d'un coup de pied dans la porte pour accéder à la salle des coffres, et je n'exagère rien! Cela dit, je ne connais pas précisément la situation en Suisse.» Et d'ajouter que certains détails du braquage de Bâle le laissent quand même songeur: «La caisse des jeux n'était pas fermée et il y avait plusieurs centaines de milliers de francs à l'intérieur. Ça, j'ai du mal à le concevoir. Ce n'est pas acceptable que les braqueurs puissent passer par-dessus un guichet et se servir. Il faut blinder les vitres, mettre des barreaux, prévoir des vitres guillotines qui tombent automatiquement en cas de braquage!»
Pas si simple, réplique Michel Favrod, directeur du Casino de Bâle: «Vous savez, il y a deux philosophies. Avec des guichets fermés et des vitres guillotines, vous protégez l'argent, mais vous prenez le risque que les bandits prennent des employés ou des clients en otage. Avec des guichets ouverts, au moins, les voleurs s'en vont après quelques minutes.»
Tous les experts s'accordent à le dire: en cas de braquage, la priorité est de laisser faire pour que les malfrats s'en aillent le plus vite possible. «Si quelqu'un entre avec une arme, il ne faut pas agir», résume le directeur du Casino de Meyrin, Fabrizio Barozzi. «On ne va pas jouer les Rambo et risquer sa vie pour un million d'euros, ajoute Patrick Pelletier. Ni les vigiles ni la police ne doivent intervenir sur place, pour ne pas risquer la prise d'otages. Les seuls qui doivent être actifs, ce sont les employés en charge de la vidéosurveillance, qui doivent filmer le maximum de détails.»
Plutôt rassurant
retour sur l'exemple bâlois. Pris dans sa globalité, il est plutôt rassurant: les braqueurs n'ont pas fait de blessés et n'ont pas réussi à ouvrir la salle du coffre. «C'est le plus important, résume Patrick Pelletier. En matière de sécurité, la priorité, c'est de rendre le plus complexe possible l'accès au coffre. Il faut blinder les portes et multiplier les sas, les digicodes, les systèmes de reconnaissance faciale.» Tous les casinos sont-ils à la hauteur, sur ce plan? Mystère. Aucun directeur n'a souhaité s'exprimer là-dessus. Mais tous disent dépenser beaucoup en matière de sécurité: 10% du budget au minimum. On n'en saura pas plus.
(source : lematin.ch/Renaud Malik)