Le député Jean-François Lamour (UMP), rapporteur sur l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne, estime que des outils sont nécessaires pour lutter contre le jeu excessif.
Propos recueillis par Loup Besmond de Senneville
Vous présentez en commission des Finances de l'Assemblée nationale, mardi 23 mars, votre rapport sur l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne. Quels sont les principaux enjeux de ce texte de loi ?
Aujourd’hui, deux à trois millions de joueurs évoluent sur internet et se connectent à près de 5000 sites francophones. Or, on ne sait que très peu de choses de ces sites: actionnariat, capacité à protéger les données du joueur, réalité des paris mis à diposition... C’est une sorte de jungle dans laquelle on laisse évoluer un joueur sans protection.
Tout l’enjeu de la loi, et ce n’est pas simplement la contrainte européenne qui nous y pousse, est de faire une offre à la fois suffisamment diversifiée, mais aussi protectrice des joueurs français. Il faut notamment éviter le jeu excessif, ou que des mineurs aient accès à ces sites. Pour cela, il faut permettre cet encadrement au travers de la loi.
Quel sera le rôle de l’autorité de régulation, l'arjel ?
L’arjel (autorité de régulation des jeux en ligne) aura pour mission de vérifier le cahier des charges des sites qui auront demandé et obtenu l’agrément. Il y aura donc ce que l’on appelle «un frontal», qui est une sorte de gros serveur dans lequel l’arjel pourra aller puiser en temps réel toutes les données permettant de déterminer un flux financier, l’identité d’un joueur, le montant de paris sur tel ou tel type d’évenement, la composition d’une table de poker... C’est un dispositif à la fois très puissant et très complexe à mettre en place. Mais il est indispensable si l’on veut protéger efficacement les joueurs.
Faut-il encadrer plus strictement les joueurs en ligne que les joueurs physiques ? Sont-ils plus sensibles que d’autres à une dépendance ?
La situation est paradoxale. D’une part, les jeux en ligne permettent de mieux identifier le joueur que dans un réseau «en dur». Ainsi, on lui demande son profil et son compte en banque.
Mais d’autre part, un adulte qui est devant son écran peut être confronté au problème du jeu excessif. Il peut y passer beaucoup trop de temps, oubliant ainsi qu’il a une famille, un métier, etc... Nous voulons donc mettre en place des outils d’autorégulation, comme le temps passé pendant une session ou l’argent qu’il a dépensé. Je pense en particulier au jeu de poker.
Dans 18 mois, nous examinerons une clause de revoyure, en nous servant d’une étude qui est en train d’être réalisée par l’Inserm sur le comportement du parieur, et en particulier du joueur excessif. Il n’y a jamais eu, y compris hors de France, une étude très poussée sur le comportement du joueur de base.
Vous êtes vous servis de ce qui s’est fait dans les autres pays ?
En Grande-Bretagne, il n’y a rien, ou presque. La Gambling Commission ne contrôle que très peu de choses. Elle ne règlemente que l’accès à la publicité.
En Italie, c’est un système totalement différent. Tous les "frontaux" passent par l’autorité de régulation qui peut ainsi contrôler et comptabiliser l’ensemble des flux financiers générés dans le pays. Mais en Italie, les loteries nationales sont également privatisées.
Au contraire, en France, l’arjel aura à sa diposition un frontal par opérateur. Par ailleurs, dans notre pays, seul le poker, les paris sportifs et le PMU sont ouverts à la concurrence. La loterie nationale reste du domaine du monopole de la Française des Jeux.
Désormais, de très nombreux pays européens nous regardent. Lors de ma visite à Vancouver, pour les jeux olympiques, j’ai croisé le ministre des sports polonais qui m’a dit être très intéressé par le texte de loi français une fois que celui-ci sera définitivement voté.
Où en sommes-nous dans ce dossier ?
Le texte a déjà fait un premier aller-retour Assemblée-Sénat. Avant de passer en séance publique le 31 mars, il revient, le 23 mars, en commission des Finances pour une seconde lecture. Au Sénat, il a été amendé et amélioré.
En quel sens ?
Le Sénat a renforcé de manière très sensible le pouvoir du juge pour lutter contre les sites illégaux. En particulier, il a renforcé la panoplie et la dureté des sanctions qui peuvent être prononcées par le juge à l’encontre de sites qui, n’ayant pas obtenu l’agrément par l’autorité indépendante française, continueraient à faire soit de la publicité, soit à opérer sur le sol français.
Deuxième élément : la protection renforcée du joueur. A chaque fois qu’il se connecte, il devra fournir soit des éléments «confidentiels», soit composer un code ou une date de naissance. Il s’agirait de mettre en place un certain nombre d’outils pour éviter, entre autres, que des mineurs essaient de contourner le dispositif d’identification.
(source : euractiv.fr/Loup Besmond de Senneville)