14,5 millions réclamés à la Ville
Le groupe Faure ne désarme pas dans le conflit qui l'oppose à la mairie de Pau depuis presque quatre ans, pour l'exploitation du casino municipal. Dans un courrier daté du 28 janvier, le directeur général de la Société d'exploitation du casino de Pau, Pierre Louis Faure, réclame en effet 14,5 millions d'euros à la collectivité que dirige Martine Lignières-Cassou. Une somme qui couvre des frais engagés, mais également des gains d'exploitation jamais perçus...
« La mairie a deux mois pour nous répondre, expliquait hier celui qui officie désormais comme consultant en jeux en Espagne. Au-delà, on saisit la justice. »
L'affaire est relativement complexe et remonte aux derniers mois du règne d'André Labarrère. Fin 2005, la concession du casino confiée au groupe Tranchant depuis dix-huit ans arrivait à échéance.
En février, Romain Tranchant, le patron national, se rend à Pau pour évoquer l'avenir. Sur un ton serein. Son groupe paraît durablement implanté, sûr de lui. Et pourtant, ce n'est pas un, mais deux candidats qui répondent à l'appel d'offres lancé par la Ville.
Pierre-Louis Faure, fils d'un ancien directeur du casino de Pau, Pascal Massoni, qui dirige l'établissement de Saint-Denis de la Réunion et leurs associés ont constitué le groupe Faure pour candidater. Et, surprise, c'est la proposition de ce deuxième candidat qu'André Labarrère s'apprête à faire adopter pour quinze ans, le 23 janvier 2006, en conseil municipal.
L'élu défend alors son choix en évoquant l'intention du futur concessionnaire de développer les grands jeux, les animations... L'affaire fait du bruit localement. Et Tranchant déclenche les hostilités judiciaires en attaquant le choix de concession avant même qu'il soit voté. Le casinotier oblige alors le maire, par décision du tribunal administratif de Pau, a retiré la délibération de l'ordre du jour. C'est le début d'un bras de fer sans merci qui donne l'avantage au maire, le 10 février 2006.
André Labarrère fait voter l'attribution de la concession au groupe Faure dans la contestation. L'opposition de droite, alors conduite par l'UMP Patrick de Stampa, vote contre. La liste Verts et ouverts d'Éric Schatz refuse de participer au vote. Mais rien n'est réglé. Le personnel du casino s'inquiète de changer de patron. Pour la première fois, il fait grève et manifeste sous les fenêtres d'un maire qui finit par avoir des mots très durs avant de s'en excuser.
Urieta achève le mandat
Un dossier difficile de plus, avec la médiathèque et la vente des abattoirs, pour un André Labarrère en fin de « règne », qui décède subitement le 16 mai. Un dossier qu'Yves Urieta (socialiste devenu, depuis, Gauche moderne, à qui le Conseil municipal a confié le fauteuil de maire pour achever le mandat en cours), traite en priorité. Martine Lignières-Cassou, la première adjointe et députée qui avait le soutien de la section du PS, est écartée. De même que son fidèle lieutenant, André Duchateau...
Le nouveau concessionnaire doit prendre possession du casino au 28 juin. Le 12 juin, le nouveau maire résilie dans l'urgence le contrat passé avec la Société d'exploitation du casino de Pau du groupe Faure, au motif que la caution d'1,5 million d'euros n'a pas été versée. Et le 19, en conseil municipal, il fait voter la prolongation d'un an de la concession en cours, au bénéfice de Tranchant. Fait inédit ! Le Conseil municipal implose. Quinze élus de droite et de gauche refusent de voter. Le tribunal administratif conforte l'élu dans son choix, le 23, en relevant des « irrégularités et vices graves » dans le contrat signé par André Labarrère.
Yves Urieta lance alors un nouvel appel d'offres pour le renouvellement de la concession. Le groupe Faure retire un dossier, mais se désiste. Le 13 septembre, Tranchant est seul en lice et récupère la concession, pour quinze ans.
Aujourd'hui, des procédures d'annulation demeurent en cours auprès de la juridiction administrative. Et si la SECP n'attend pas le jugement définitif pour réclamer 14 576 955 euros à la mairie, c'est parce qu'on approche de la date de prescription.
Mairie : sans commentaire
Un montant que Pierre-Louis Faure détaille. « Ça inclut ce que ça nous a coûté en frais engagés, mais également ce qu'on aurait pu espérer de quinze ans d'exploitation ! Il y a une lourde perte d'exploitation. C'est un préjudice. » L'équipe de Martine Lignières-Cassou « hérite » de cette situation de contentieux lourd potentiellement coûteuse pour la municipalité.
Jointe hier, la mairie de Pau n'a souhaité émettre aucun commentaire sur cette affaire qui « va faire l'objet d'une étude juridique approfondie », se contentant de confirmer la réception de la demande d'indemnisation.
Mais nul doute qu'il faudra encore du temps pour arriver au bout de cette affaire.
(source : sudouest.com/alain babaud)