La chaîne Lucien Barrière a lancé ce mercredi sa campagne pour un "jeu responsable". Des psychologues sont notamment chargés de repérer les profils des joueurs à risque. Pas forcément très efficace, selon Michel Lejoyeux, psychiatre à l'hôpital Bichat.
Lutter contre l'addiction dans le jeu, voilà la nouvelle campagne du groupe de casinos Lucien Barrière. A première vue cela peut paraître surprenant. Pourquoi une enseigne de casinos irait empêcher ses clients de jouer ? Ce serait comme faire de l'alcoologie dans les bistrots. Pourtant selon le groupe, qui prône les vertus d'un « jeu responsable », la mise en place de ce dispositif de prévention est essentielle pour le secteur.
Ce mercredi matin lors d'une conférence de presse, le gendre du fondateur Lucien Barrière, et actuel président du conseil de surveillance du groupe, Dominique desseigne indiquait : « le jeu doit être avant tout une source de plaisir, nous nous efforcerons donc de combattre toutes les formes d'addictions », expliquait-il devant un parterre de journalistes très intrigués par le nouveau dispositif qui doit être lancé aujourd'hui.
Car le groupe d'hôtellerie et de casinos « dont la responsabilité est inscrite dans les gènes » selon Dominique desseigne, n'a pas lésiné sur les moyens, pour faire de la prévention à l'addiction. Dans les casinos, 4000 membres du personnel seront formés pour détecter les signes d'accoutumance chez le client : la tension, la perte de sang froid... des cellules d'aide psychologique seront mises en place, une carte Casinopass sera mise à disposition des joueurs qui veulent réduire volontairement leurs visites...
Et sur le web, le groupe vient de lancer un site consacré au « jeu responsable » et formulant les grands conseils pratiques à suivre pour ne pas tomber accroc. Les message sont forts et clairs: « parlez avec nos équipes », « jouez par plaisir », « profitez de vos gains », « jouez sans emprunter », « fixez vous une somme limite », « faites vos pauses ». Un seul peut-être manque à la liste : « l'abus du jeu est dangereux pour la santé ». Une fois l'addiction décelée, le client pourra s'autocensurer en limitant son accès au site. Ou pourra poser ses questions à la psychologue dont le blog figure en première page de préferezunjeuresposanble.com.
« Nous avons voulu prendre les devants en cas d'ouverture du marché français des jeux d'argents et de hasard », explique Dominique desseigne. Car dans peu de temps, quand Bruxelles aura avalisé le projet de loi français, les opérateurs de jeux d'argents pourront oeuvrer sur le web, en toute légalité. « Face à nos clients, nous devons adopter une démarche responsable, explique le président du conseil de surveillance. Les joueurs ont peur des abus que peuvent susciter internet. Avec notre image de marque, nous allons donc leur offrir la possibilité d'accéder à un jeu serein, et contrôlé ».
Mais tout le monde ne semblent pas convaincus: « le premier danger de ce type de dispositif est de faire croire aux gens qu'ils sont protégés. La méfiance s'atténue donc chez le joueur et les risques de dépendance augmentent, explique le Professeur Michel Lejoyeux, chef de Service de psychiatrie et d'addictologie à l'Hôpital Bichat. Par ailleurs quand un opérateur accroît l'accessibilité de ses jeux, il contribue mécaniquement à l'augmentation du nombre de joueurs pathologiques », argue-t-il. Pour diminuer le nombre de dépendants donc, une seule solution : réduire les lieux d'accessibilité à l'objet de l'addiction.
La prévention dans les casinos serait donc vaine ? « Oui et non. Dans un sens on peut considérer que le message passe. Mais c'est à double tranchant, car ce dernier est très flou. Comment parvenir à soigner des gens quand l'environnement, en l'occurrence un casino ou un site internet, fait tout pour inciter au jeu ? » s'interroge Michel Lejoyeux.
Selon lui, « ces dispositifs ressemblent plus à une campagne de communication qu'à une véritable prise de conscience du secteur. Aucune donnée chiffrée ne parait jamais sur l'accoutumance aux jeux d'argents. Pour être véritablement efficace tout casino qui veut faire de la prévention, devrait en amont étudier le comportement de ses clients. Sans quoi ces dispositifs sont complètement inefficaces » conclut-il. Aucun chiffre n'existe sur l'ampleur de l'addiction dans les jeux. Pour sa défense, le groupe Lucien Barrière met en avant la mise en place d'un audit sur le comportement de ses joueurs qui devrait donner ses premières conclusions d'ici un an.
(source : lexpansion.com)