Basées à Malte, des sociétés de jeux en ligne sur Internet, interdites en France, concurrencent les casinos de l'Hexagone ainsi que la Française des jeux.
La machine à expresso tourne à plein régime. Design et moderne, le mobilier répond à des murs de couleurs vives ornés d'un énorme piment rouge. Sur la terrasse, trois demoiselles au teint halé et vêtues d'un débardeur discutent avant de rejoindre leur ordinateur. Ainsi se présente le casino du XXIe siècle. Dans les bureaux maltais de chilipoker. com, foin de moquette épaisse ou d'immenses lustres de verre pendus au plafond. Au diable la musique d'ascenseur, les croupiers et leurs tables de jeu. Ici, c'est un ordinateur qui distribue les cartes.
Manche retroussées et la trentaine juste entamée, Alexandre Dreyfus dirige, face à la Méditerranée, une des 230 sociétés de jeux en ligne installées à Malte, caillou peuplé de 400 000 habitants et membre de l'Union européenne depuis 2004. Comme lui, ils sont une poignée de Français à croire en l'avenir d'un marché encore interdit dans l'Hexagone. 15 % de ses 100 000 joueurs sont français. Aux côtés des 85 % restants, ils procurent à Chilipoker un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros.
« Aucune plainte »
Avec un cadre de travail idyllique, des loyers au coût amical et une fiscalité avantageuse (moins de 0,5 % prélevé sur les mises, plafonnement des taxes à 470 000 euros), Malte a tout de la belle mariée pour ces entreprises d'un nouveau genre, dont la France ne voulait pas entendre parler, il y a peu de temps, afin de protéger le monopole de la Française des jeux et du PMU qui rapportent énormément d'argent à l'État.
« Pendant longtemps, l'État français a relayé l'idée que nous étions hors la loi, mais n'a jamais déposé aucune plainte contre nous, sachant bien que la Cour européenne lui donnerait tort », avance François Brust, directeur général lorrain de B3W, qui développe des casinos en ligne clés en main pour des sociétés de casinos « terrestres ».
Alors qu'au 1er janvier 2010 la France devrait ouvrir partiellement le marché des jeux à la concurrence (interdisant pour l'heure les jeux de casino type jackpot), l'Assemblée nationale n'a toujours pas examiné le texte de loi.
Taxation plus élevée
« Ce texte devrait être présenté à la mi-juin, devant le Conseil de l'Europe. Nous y serons attentifs et apporterons probablement quelques commentaires... », expose, sourire en coin, le chef de cabinet du ministre de l'Économie maltais, Alain Caruana. Car Malte reproche à la France de vouloir obliger les sociétés siégeant dans l'île à installer une copie de leur serveur informatique sur le sol français, comme si la Lotteries & Gaming Authority (LGA), administration chargée de réguler le secteur des jeux à Malte, n'était pas compétente en la matière.
Autre pomme de discorde, et non des moindres, les utilisateurs français ne pourraient pas utiliser les sites Internet maltais, ce qui signifie une perte de recettes pour l'île, où 3 000 personnes travaillent directement pour le secteur, mais aussi des gains moins élevés pour les joueurs... car la France prévoit une taxation plus élevée que celle appliquée au milieu de la Méditerranée.
(source : sudouest.com/Guillaume Mollaret à Malte)