Dans un rapport, le service central de prévention de la corruption affirme que «le grand banditisme a su tirer profit de l'économie virtuelle», et met en garde l'État sur les risques d'Internet.
Côté statistiques, l'état de la corruption en France n'a pas bougé. Le nombre de jugements prononcés depuis dix ans est quasiment stable : en 2006, une centaine de chefs d'entreprise, élus ou fonctionnaires ont été définitivement condamnés pour corruption active ou passive, pour des scandales remontant souvent à plusieurs années. Le dernier rapport du service central de prévention de la corruption (SCPC), dont Le Figaro a pris connaissance, relève même que ce genre de dossiers ne représente que 0,023 % des «affaires poursuivables» dans les tribunaux de la région parisienne. «Des progrès en terme de détection paraissent envisageables», estime sobrement le magistrat Michel Barrau, chef de cet organisme interministériel crée en 1993 et qui dépend du garde des Sceaux.
Le service central de prévention de la corruption adresse cette année sa principale mise en garde aux partisans de la libéralisation des jeux sur Internet. Nouvelles formes de fraudes, enquêtes rendues presque impossible par la multiplicité des interlocuteurs… Selon le rapport du SCPC, l'ampleur actuelle des flux suspects est de nature à multiplier les délits de corruption et de blanchiment. Pour la criminalité organisée, décrit le rapport, «il est relativement facile de blanchir des fonds illégaux à partir d'un site de jeu sur Internet». Les casinos virtuels, souvent basés à Malte ou à Gibraltar pour des raisons fiscales, permettent, par exemple, de fournir des gains de jeu officiels à des joueurs ayant misé de l'argent sale. Il s'agit simplement de la version moderne du blanchiment ou du casino utilisé jadis par les mafias italiennes ou new-yorkaises.
Autre grand risque de ces salles de jeu apparues sur Internet : les nouvelles corruptions autour des compétitions sportives. Il s'agit pour un groupe criminel de corrompre joueurs ou entraîneurs afin de truquer les matchs sur lesquels des millions d'euros sont pariés. Le rapport relève que les autorités mondiales du football sont déjà vigilantes sur l'activité des bookmakers, mais «il serait souhaitable que les lobbyistes et les États qui prônent l'ouverture à la concurrence de ce secteur prennent conscience qu'il ne s'agit pas d'une activité économique ordinaire mais d'un secteur danslequel le risque est patent, connu, irréfutable et que le choix de l'absence de contrôle pourrait favoriser la criminalité.»
L'obstacle du secret bancaire
Faisant allusion à l'affaire du cercle Concorde, cercle de jeu parisien fermé il y a tout juste un an avant une série de mise en examen pour association de malfaiteurs, extorsion de fonds et corruption, le rapport du SCPC insiste : «des exemples récents montrent qu'il est difficile de contrôler des jeux installés physiquement sur un territoire. Qu'en sera-il alors, si on y ajoute l'utilisation d'Internet et des paradis fiscaux ?» Sur ce point, la lutte contre les mafias ayant trouvé des débouchés sur les casinos virtuels et les longues enquêtes financières internationales se rejoignent. Elles butent sur les mêmes barrages. Les investigations se heurtent systématiquement à la difficulté de retracer les flux financiers empruntés.
Le juge financier Renaud Van Ruymbeke, intervenant récemment au cours d'un colloque organisé par la société d'avocats Carbonnier Lamaze Rasle, exposait ainsi que «face aux détournements menés par le biais de circuits offshore, il faudrait s'interroger sur des mesures comme la levée du secret bancaire en Suisse, au Liechtenstein, à Gibraltar ou aux îles Caiman, mais on se heurte à des résistances très fortes» .
(source : lefigaro.fr/Mathieu Delahousse)