600 000 Français, soit 3 % des 20 millions de joueurs, jouent trop d'argent trop souvent et trop longtemps. Un centre d'étude vient d'ouvrir ses portes à Nantes.
SUR les 20 millions de Français qui chaque jour jouent au Rapido, aux courses, au bandit manchot ou au poker, une petite proportion (environ 2 à 3 %) court le risque de tomber dans une véritable toxicomanie du jeu. Ils font partie de ceux qu'on appelle des joueurs excessifs. Ils sont 600 000 en France, qui peuvent se laisser entraîner dans une spirale infernale, assortie de troubles psychiatriques, d'autres addictions (alcool, tabac, drogue) et même d'ennuis judiciaires graves.
Les joueurs excessifs « jouent trop, trop souvent, trop longtemps, et trop d'argent », estime la directrice du centre Christelle Andres. Les joueurs excessifs, plutôt des hommes de 20 à 25 ans ou de 45 à 55 ans, sont fragiles : la moitié d'entre eux sont insérés dans la société avec une femme, des enfants, un travail, mais ils mettent en danger leur équilibre social. Ils mentent, se cachent pour jouer, empruntent ou volent.
Un financement à hauteur de 1,66 million d'euros
La situation est suffisamment grave pour qu'il ait été décidé de créer un centre national de référence sur le jeu excessif (CNRJE), dans le cadre d'une convention entre La Française des jeux, le PMU et le CHU de Nantes. Elle a été signée en décembre 2007 avec l'aval du ministère de la Santé. Le centre a été inauguré vendredi. Des chercheurs et surtout les médecins du service d'addictologie du CHU de Nantes, y travaillent.
Le centre est financé à hauteur de 1,66 million d'euros pour trois ans (deux tiers payés par la FDJ et le PMU, un tiers par le CHU). Il ne soigne pas de malades (c'est le rôle du service d'addictologie du CHU) mais va former des intervenants en toxicomanie et créer un « pôle ressources » pour améliorer les connaissances sur cette « addiction comportementale » qu'est le jeu pathologique. Il va aussi organiser des séminaires de formations pour les cadres et les croupiers des casinos. À la fin 2009, ces établissements auront, en effet, l'obligation légale d'avoir formé leur personnel au repérage des joueurs excessifs.
Les chercheurs vont essayer de décortiquer le mécanisme de la prise de décision risquée et désavantageuse des joueurs excessifs. Exemple : le joueur de poker qui « s'enfonce » et perd beaucoup lors d'une partie reconnaît souvent a posteriori qu'il avait perçu les signes avant-coureurs d'alerte mais qu'il les a occultés. Pourquoi ? Comment ? Des appels d'offres pour financer des programmes de recherche sont lancés pour tâcher de l'apprendre.
La France a pris un retard considérable, « d'au moins dix ans », selon le Pr Jean-Luc Venisse, patron du tout jeune CNRJE. Malgré le plan Addictions voulu par Jacques Chirac, malgré le rapport d'expertise collective de l'Inserm en 2007, qui recommandait de « ne pas laisser sans aide ou sans soins » les joueurs excessifs, il n'y a qu'une poignée de spécialistes capables de soigner les joueurs (trois centres à Paris, un à Marseille, un à Bordeaux, un à Metz et un à Lille). « Ce n'est pas notre cœur de métier », reconnaît-on à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
La création d'une haute autorité de contrôle des jeux a été annoncée en 2007 pour limiter et encadrer l'accès aux jeux des « toxicomanes », par le sénateur du Var, Francois Trucy. On attend toujours…
(source : lefigaro.fr/Jean-Michel Bader)