Six cents visiteurs par jour, au lieu des 800 espérés, et un chiffre d'affaire en baisse de 25% par rapport aux estimations, pour sa première année d'exploitation. Le casino Barrière de Lille, installé dans des locaux provisoires à Euralille, a dû revoir sa copie à la baisse. Ce qui va directement toucher les finances de la mairie de Lille, puisque 15% des gains bruts (avant impôts) du casino va dans les caisses municipales. Pour expliquer ce premier exercice en demi-teinte, Patricia Legros, la directrice générale du casino, avance deux raisons.
La première, le contexte : "Notre métier traverse une passe difficile", explique Patricia Legros. "Nous subissons un effet interdiction du tabac depuis le 1er janvier." D'ailleurs, des sucettes sont disponibles à volonté à l'accueil du casino, pour aider les fumeurs indécrottables à tenir bon. "Cette décroissance nette s'est accentué avec la crise. Les gens sont dans un schéma de prudence." Au niveau national, les recettes des casinos ont baissé de 12%. Ensuite, le casino doit adapter l'offre à la clientèle régionale : "Le 24 août, nous avons baissé la mise de départ pour les machines à sous à un centime d'euros, au lieu de cinq. Les gens peuvent s'amuser plus longtemps pour la même somme", détaille Patricia Legros. Et Barrière mise sur un nouveau jeu de table, le Texas Hold'em Poker, pour surfer sur la vague de notoriété du poker. "Nous voulons créer de la convivialité autour d'une table de jeu", explique-t-elle. John Barrizette, le chef de projet, précise : "Normalement, on joue toujours contre le casino, là, on joue les uns contre les autres."
Moins de recettes, certes, avec une fréquentation à 90% occasionnelle, selon les chiffres du groupe Barrière (63% ne sont venus qu'une fois, 27% se situent entre deux et cinq visites) : les inquiétudes émises par les Verts de voir les Rmistes flamber leur argent dans les 150 machines à sous font sourire (un peu jaune) les responsables du casino. "On connaît mal notre métier", soupire Patricia Legros. Et oui, sachez-le, le casino façon James Bond, smoking obligatoire et belles blondes à diamants, est mort depuis belle lurette, définitivement démocratisé par les machines à sous.
Le maître mot désormais, c'est loisir. Les casinotiers veulent abattre les clichés, veulent que leurs établissements soient considérés comme un lieu de loisirs. "Nous sommes comme un cinéma. Les gens viennent chez nous, dépensent 20 euros en s'amusant, boivent un verre avec leurs amis et passent une bonne soirée. Pourquoi ne pourraient-ils pas le faire ?", se demande Patricia Legros. Elle aimerait qu'on oublie les histoires sulfureuses. D'ailleurs, ne dites pas qu'un futur casino Barrière va ouvrir (les travaux sont en cours à côté du nouveau bâtiment de la Caisse d'épargne, sur l'ancien périphérique), mais évoquez plutôt un nouveau "complexe de loisirs". Il faut dire que l'ensemble promet d'être gigantesque : un hôtel quatre étoiles, quatre bars à thèmes, trois restaurants, de la restauration rapide au gastronomique, une salle de spectacles de 1200 places et le casino. Et 400 emplois créés, quand l'ensemble aura atteint sa vitesse de croisière.
Il est 17h ce jeudi après-midi, et ce sont des dames sexagénaires, sac de skai sur les genoux, qui ont le regard fixé sur l'écran vidéo du jeu choisi. Peut-être bien que finalement, on préférait les blondes à la James Bond. "Nous sommes le reflet de la société autour de nous, nous sommes un lieu de mixité sociale et de loisirs", note la directrice. Les profils sociologiques différent selon les heures, l'après-midi étant plutôt ambiance retraités. A 19h, les tables de roulette, black jack et tutti quanti ouvrent , et d'autres types de joueurs arrivent. Mais globalement, à Lille, la clientèle est plutôt jeune et masculine, issues de toutes les classes sociales, affirme Barrière.
Il reste maintenant à l'élargir : "Nous voulons attirer bien au-delà de Lille, nous sommes à 1h de Paris, 1h30 de Londres, 30 minutes de bruxelles : c'est bien cette zone de chalandise-là que nous visons", affirme Patricia Legros. "Nous voulons que les samedis soirs, il y ait 5 000 personnes dans notre futur complexe." Reste une inconnue : le nombre de machines à sous qu'attribuera la commission supérieure des jeux, dépendant du ministère de l'Intérieur, au futur établissement. 150, ce n'est pas assez. Et là, les jeux ne sont pas encore faits.
(source : libelille.fr/S.M.)