Face à une évolution "particulièrement inquiétante" de l'addiction aux jeux d'argent et aux jeux vidéos, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a préconisé mardi plusieurs mesures pour mieux comprendre et contrôler ces pathologies
L'inserm, qui apporte un éclairage scientifique sur cette question, évalue, sur la base d'études réalisées à l'étranger, entre 1 et 3% la proportion des joueurs qui "présentent une façon excessive de jouer", pathologique, c'est à dire considérée comme une maladie, ou simplement "problématique".
"L'évolution est particulièrement inquiétante", a souligné devant la presse Dominique de Penanster, de la Direction générale de la santé qui avait demandé en 2006 cette "expertise collective" à l'Inserm.
En 2006, près de 30 millions de personnes ont tenté leur chance au moins une fois dans l'année à un jeu de hasard et d'argent en France, alors qu'internet augmente encore les offres de jeux.
Si pour la majorité des joueurs, ces jeux constituent une activité récréative, leur pratique peut atteindre chez certains la dimension d'une "conduite addictive", avec des conséquences sociales et financières importantes, souligne l'expertise de l'Inserm.
Le sujet le plus à risque a "le profil d'un homme jeune, sans emploi et à faibles revenus, célibataire et peu intégré sur le plan socioculturel", selon le groupe d'experts réuni par l'Inserm (histoire, sociologie, économie de la santé, épidémiologie, psychologie, neurobiologie, psychiatrie, addictologie).
Intitulée "Jeux de hasard et d'argent. Contexte et addictions", l'expertise a élargi son analyse aux jeux vidéos et en réseau, phénomène récent encore mal étudié mais qui touche une population de plus en plus jeune.
Selon une enquête française de 2002, 80% des enfants de 8 à 14 ans disent jouer aux jeux vidéos, 26% y consacrant plus de 4 heures par semaine.
Pour mesurer "l'ampleur" du phénomène du jeu pathologique, les experts recommandent de mener une étude sur la population générale ainsi que des études sociologiques pour mieux décrire les groupes touchés.
Une enquête devrait démarrer à l'automne sur un échantillon important de 15.000 à 25.000 personnes, a indiqué le délégué de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Julien Emmanuelli.
Les experts recommandent également plusieurs actions de prévention: informer tous les joueurs sur les dommages liés au jeu en mettant "clairement en avant le risque d'une addiction"; offrir une aide, au sein même des espaces de jeux, aux joueurs en difficulté; étendre les fichiers d'"interdits de jeu" en vigueur dans les casinos à l'ensemble des jeux de hasard et d'argent; développer une ligne d'écoute publique.
Spécifiquement pour les jeux sur internet, ils recommandent que ces sites comportent des liens vers des "sites d'information sur les problèmes liés aux jeux" et que les éditeurs de jeux d'argent en ligne mettent en place un "seuil limite de crédit" et une "obligation de confirmation après un pari".
L'expertise appelle à "développer plusieurs lieux de repérage et de prise en charge des joueurs à problème" et à évaluer les modalités de prise en charge.
Seulement 10% des joueurs pathologiques font une demande de soins, a indiqué le psychiatre Christophe Lançon (CHU Sainte-Marguerite, Marseille), soulignant l'intérêt des "thérapies brèves" qui peuvent offrir au joueur en difficulté "un contrôle intermédiaire", plus facilement acceptable que l'objectif d'une abstinence totale.
(source : lepoi
nt.fr/AFP)