DIJON - La dépendance au jeu et son cortège de drames personnels et familiaux ont été disséqués par des spécialistes jeudi et vendredi à Dijon, à la veille des propositions de la France à la Commission européenne sur l'ouverture de son marché des jeux d'argent à la concurrence.
Des experts de ces addictions sans substances (jeu pathologique, dépendance aux jeux vidéo ou à internet) ont confronté l'état de leurs recherches en matière de prévention et de soins lors de ce colloque intitulé "L'addiction ... s'il vous plaît".
La France devrait annoncer dans les tout prochains jours l'ouverture progressive à des opérateurs étrangers du marché juteux des jeux en ligne (paris sportifs et hippiques, poker), évalué à plusieurs milliards d'euros dans l'hexagone.
Pourtant, à la veille de cette échéance qui marquera la fin du monopole de la Française des Jeux (FDJ) et du PMU, plusieurs spécialistes ont observé que la France ne dispose d'aucune étude épidémiologique sur le problème de la dépendance au jeu.
Un début de réponse devrait être apporté par l'expertise collective de l'Inserm sur le jeu pathologique qui sera publiée cet été, a dit à l'AFP Jean-Michel Costes, directeur de l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT).
En attendant, les seules données proviennent des pays anglosaxons qui ont fait entrer, dès 1980, la notion de "jeu pathologique" dans la classification internationale des pathologies psychiatriques.
Par extrapolation, les spécialistes évaluent le nombre de joueurs pathologiques entre 2 % et 6 % des joueurs, soit de 600.000 à 1,5 million de Français.
Devant ses collègues, M. Costes a relevé une prévalence de près de 15 % de joueurs pathologiques chez les joueurs Britanniques qui jouent tous les jours. Il a également cité une étude américaine de 2005 sur les troubles associés au jeu excessif : 73 % des joueurs pathologiques connaissent également des problèmes d'alcool.
En ouvrant les débats, le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) Etienne Apaire a souligné que les "addictions sans produits, comme le jeu excessif, sont des phénomènes naissants dont les conséquences sanitaires et sociales pourraient être sous-estimées".
Le Pr Robert Ladouceur de l'université Laval de Québec, l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de l'addiction au jeu, a déclaré à l'AFP que la France "devra être très attentive sur le développement de mesures préventives" à l'addiction "en parallèle avec l'augmentation de l'offre de jeux" induite par l'ouverture du marché français à la concurrence.
Cet expert, qui a mis au point une thérapie pour les joueurs pathologiques, reprise dans plusieurs pays, a regretté l'absence d'études sanitaires sur le secteur des jeux d'argent en France dont le volume (FDJ, PMU, casinos) a atteint en 2007 un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros.
"Avant l'ouverture du marché français à la concurrence, il faut réaliser une véritable étude de prévalence chez les joueurs", a même plaidé le directeur des programmes du jeu responsable de la FDJ Raymond Bovero. Premier opérateur de jeux français, la FDJ figure parmi les "partenaires" du colloque aux côtés du ministère de la Santé, de l'Assurance maladie, de la Mildt et de l'OFDT ....
M. Bovero a rappelé à l'AFP que la FDJ participe depuis 2000 au financement de l'association SOS Joueurs et, depuis quelques mois au financement du premier centre de recherches sur l'addiction installé au CHU de Nantes.
(source : romandie.com/AFP)