Une libéralisation de l'actuelle réglementation française, même maîtrisée, sur les jeux et paris en ligne ne semble pas à l'ordre du jour.
L'avenir de l'actuelle réglementation française sur les jeux apparaît incertain au vu de ses récentes confrontations avec les exigences posées par le droit communautaire.
L'enjeu est de taille : comme l'ont rappelé les députés Blessig et Myard dans leur rapport d'information sur « le monopole des jeux au regard des règles communautaires » (1), le chiffre d'affaires total de La Française des Jeux, titulaire d'un monopole sur les paris sportifs, s'élevait, en 2006, à 9,5 milliards d'euros, celui des paris hippiques, via le PMU, à 8,3 milliards d'euros, et le montant total des mises dans les jeux de casino à 20 milliards d'euros. Les enjeux financiers sont aussi importants dans les autres pays de l'Union européenne
A ce jour, seuls La Française des Jeux et le PMU proposent légalement des jeux en ligne. C'est dans ce contexte de droits exclusifs et très réglementé que la Commission européenne a engagé une procédure en manquement contre la France en juin 2007 (2) et que la Cour de cassation (3) a infirmé, en juillet dernier, l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans le dossier Zeturf (4).
A propos d'un site de paris hippiques hébergé à Malte par la société Zeturf, la cour d'appel avait estimé que la loi française répondait à un objectif d'intérêt général, en prévenant les risques de fraude et en limitant les occasions de jouer. La Cour suprême lui a reproché, se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (5), de ne pas avoir recherché si les autorités françaises n'adoptaient pas une « attitude expansive » dans ce secteur pour augmenter les recettes du Trésor public, en d'autres termes, de ne pas avoir recherché si la réglementation française est « cohérente et systématique ». Elle lui a aussi fait grief de ne pas avoir vérifié si l'objectif de prévention de la fraude n'était pas déjà assuré par les règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans l'Etat où il est établi.
Le rapport parlementaire des députés Blessig et Myard exprime une vive inquiétude devant « la logique de libéralisation » et intervient à un moment où le gouvernement envisage « l'hypothèse d'une ouverture dite maîtrisée des paris sportifs de La Française des Jeux et des paris hippiques ». Il affirme que « le jeu est une activité sui generis et non pas une activité économique ordinaire », qu'il ne devrait pas être soumis aux règles de la libre prestation de services et rejette le principe de reconnaissance mutuelle des opérateurs. Sur ces deux derniers points, le rapport se situe clairement en porte-à-faux avec le droit communautaire, qui régit la matière, tel qu'il est actuellement interprété par la Cour de justice des Communautés européennes.
Des dispositifs de contrôle
Selon ses auteurs, les propositions s'écartent aussi, sans surprise, du modèle anglais, qui ambitionne de faire du Royaume-Uni le « leader mondial dans les différents domaines du jeu » en misant sur la libéralisation et qui accepte la publicité pour des sites de jeux d'argent en ligne établis dans l'Espace économique européen, ou dans des Etats tiers, qui sont admis sur une liste après qu'ils aient rapporté la preuve que leur réglementation est suffisante pour lutter contre le crime et le blanchiment d'argent.
Le rapport préconise aussi d'instaurer des dispositifs de contrôle divers pour assurer une « ouverture maîtrisée » du secteur du jeu : la délivrance de licences nationales, la mise en oeuvre d'un organe de contrôle unique, le strict encadrement de la publicité, le blocage des sites Internet illégaux, ainsi que des transactions financières illégales. Il suggère de développer, dans le même temps, une vraie promotion du jeu « responsable ».
Mais, parmi les propositions du rapport, c'est celle d'un « accord intergouvernemental » pour exclure le secteur du jeu de l'application des règles du traité de Rome en matière de prestations de services qui serait susceptible de changer la donne. Or, cette proposition obtiendra difficilement l'accord de tous les Etats membres. En attendant d'éventuelles évolutions du droit communautaire, il est à parier que la réglementation française sur les jeux continuera d'être contestée et que des modifications de son régime en résulteront.
(1) nt class=normal href="url.php?id=42">Rapport d'information n° 693 du 6 février 2008.(2) Avis motivé du 27 juin 2007 (IP/07/9009).(3) Cass. Chambre commerciale, 10 juillet 2007 Zeturf/PMU.(4) CA Paris 14e ch. 4 janvier 2006 Zeturf/PMU, confirmant une ordonnance de référé.(5) CJCE, Schindler 24 mars 1999 ; Gambelli 6 novembre 2003 et Placanica 6 mars 2007.(*) Avocats Associés, Field Fisher Waterhouse.
(source : lesechos.fr/MARIO CELAYA ET BRU
nO DUCOULOMBIER (*))