Depuis l'arrivée des machines à sous, en 1988, ces établissements sont devenus une manne pour les communes d'accueil. Près de 200 villes, souvent des stations thermales ou balnéaires, ont obtenu une autorisation, et plusieurs centaines d'autres sont sur les rangs.
Fini le temps où les casinos avaient une réputation sulfureuse ; aujourd'hui, ils ont l'image d'une tirelire capable d'alimenter le budget des communes. C'est l'autorisation, donnée en 1988, d'installer des machines à sous qui a transformé ces établissements en manne pour les villes qui les hébergent. Celles-ci bénéficient à la fois d'une part du produit des jeux, de la taxe professionnelle, des emplois créés, ainsi que des animations que les casinos sont tenus d'organiser.
Ce dimanche matin de printemps, au casino de saint-pair-sur-Mer (Manche), une commune de 3 600 habitants, la salle des machines à sous ne désemplit pas. En 2001, 200 000 personnes sont venues jouer ici. Ouvert tous les jours de 10 heures à 2 heures, le casino emploie 43 personnes. Il a réalisé, en 2002, un chiffre d'affaires de 6,5 millions d'euros. Celui-ci est en augmentation de 5 % par an en moyenne. Outre un bar, un restaurant et un club dansant, le casino contribue au financement des activités de pétanque, de football, de tennis et des jeux de plage.
RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ
Mais ce n'est pas tout : 460 000 euros tombent directement dans les caisses de la commune pour alimenter son budget de 3 millions d'euros. Cependant, la commune a quelques frais. En effet, les élus de saint-pair n'ont jamais voulu se dessaisir de ce bâtiment, le seul que la commune possède en bord de mer. Du coup, celle-ci doit remplir ses obligations de propriétaire en ce qui concerne l'entretien. "Le casino apporte aussi quelques clients aux commerçants voisins, mais surtout il renforce le côté attirant de la commune en lui donnant un caractère jeune", affirme Jacques Olivier, le maire.
A condition d'être classée station touristique, balnéaire ou thermale, ou de compter plus de 500 000 habitants, une commune peut être candidate à l'installation d'un casino. Il reste que le parcours comporte des embûches, car il s'agit alors d'un jeu à trois entre la commune, un "casinotier" et l'Etat.
Aujourd'hui, on compte 180 casinos en France et près de 500 communes qui pourraient prétendre en accueillir un. Mais il se murmure que beaucoup d'autres encore essaient d'obtenir un de ces classements magiques qui permettent l'installation d'un casino.
En réalité, cette appétence pour les établissements de jeux est directement liée à l'autorisation des machines à sous. Car, à de rares exceptions, il y a bien longtemps que la roulette, le black-jack ou le baccara ne suffisent plus à faire vivre les casinos. Selon les professionnels, seule une dizaine d'établissements en France justifieraient de ces jeux de table. En revanche, on compte aujourd'hui 15 697 machines à sous.
CAHIER DES CHARGES
En France, l'installation d'un établissement de jeux relève d'une réglementation complexe, résultat d'une volonté de contrôle par l'Etat d'un secteur susceptible de toutes les déviances. Depuis 1988, il y a eu 37 fermetures, pour la plupart temporaires. En 1993, la loi Sapin a ajouté à cette réglementation une dimension supplémentaire en faisant d'un casino "une concession de service public conclue dans l'intérêt du développement de la station touristique et balnéaire". Cela oblige notamment à l'adoption, par le conseil municipal, d'un cahier des charges qui consigne les obligations du casinotier en matière de taux de versement du produit des jeux (maximum 15 %), de durée de la concession et d'animation, notamment. Selon la taille de la commune et sa notoriété, les revendications de celle-ci peuvent aller de la subvention à un festival jusqu'à l'installation de quatre bancs publics ou la construction d'une salle de spectacles.
Dans son rapport de 2001, la Cour des comptes regrette que "les communes ne définissent quasiment jamais, avant la mise en concurrence, les caractéristiques des prestations, ni les conditions de tarification du service rendu". De même, la Cour constate que seulement 40 % des 58 casinos contrôlés cette année-là sont astreints à verser le taux maximal de 15 % du produit brut des jeux. La commune d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) est notamment épinglée à propos de la formulation : "organisation de représentations théâtrales, de concerts, de galas ou d'attractions de tout premier ordre", à laquelle a été ajouté : "en accord avec la ville d'Aix". Les magistrats regrettent "le manque de précision tant sur les objectifs fixés que sur les modalités de l'intervention de la commune".
Mais la bête noire de tous les intervenants est la Commission des jeux. Créée en 1934 et composée de quinze hauts fonctionnaires et de cinq élus, elle instruit les dossiers d'autorisation ou de renouvellement et émet un avis pour le ministre de l'intérieur. Accusé de freiner les autorisations, cet organisme se voit aussi reprocher son manque de transparence. Il n'existe notamment aucun critère d'autorisation des machines à sous.
Les casinotiers sont les premiers à le regretter. "On nous demande de présenter des comptes d'exploitation sur toute la durée de la concession sans connaître le nombre de machines à sous dont nous disposerons, alors que celles-ci représentent l'essentiel de notre chiffre d'affaires", font-ils remarquer. Ainsi pour obtenir le casino de Lyon, le groupe Partouche se porte candidat en 1996 avec un investissement de 250 millions de francs (38 millions d'euros) pour la construction d'un hôtel. L'autorisation lui est refusée pour cause de non-achèvement des travaux. Au bout de six mois, lorsque l'hôtel est à moitié ouvert, on l'interroge sur la nature des spectacles qu'il s'engage à produire... Résultat : dix-huit mois auront été nécessaires pour obtenir l'autorisation.
L'importance des investissements et la lourdeur des dossiers ont contribué à la concentration des intervenants dans le secteur. Peu à peu, les gestionnaires indépendants disparaissent après avoir vendu leur établissement à un des cinq groupes (Partouche, Barrière, Accor, Tranchant et Moliflor) qui détiennent désormais 75 % de ce secteur.
(Source : lemonde.fr/Françoise Chirot)