interview de Fabrice Soulier, 38 ans qui est un joueur de poker professionnel.
Recueilli par Franck Crudo pour 20minutes.fr
Depuis quand jouez-vous au poker?
J’ai découvert quand j’étais étudiant, j’ai pu m’offrir une petite moto ou encore des vacances assez sympas grâce à mes gains au poker. A l’époque, je jouais essentiellement dans des arrières salles de café du sud de la France. Puis je suis monté à Paris, j’ai découvert les cercles de jeu et j’ai commencé à jouer de façon plus «sérieuse».
Quand avez-vous décidé de vivre du poker?
A la base, j’étais réalisateur. J’ai travaillé pour l’émission de Laurent Baffie («Farce attaque») puis pour la série «Un gars une fille». Le jour je travaillais, la nuit je jouais au poker. A un moment donné, il m’a fallu faire un choix car je ne pouvais plus tenir le rythme. Et comme je gagnais pas mal d’argent au poker…
Aujourd’hui, vous passez la moitié de votre temps à Las Vegas…
Oui, le poker professionnel, c’est là-bas que ça se passe. Le poker y est moins cher car les casinos prélèvent moins d’argent sur les pots qu’en France. Environ 80% des gros tournois ont lieu à Las Vegas. Mais je voyage aussi beaucoup, je participe aux gros tournois en Europe.
Quelles sont vos meilleures performances ?
J’ai disputé quatre finales des WSOP (World Series of Poker) et j’ai fini 5e à un tournoi du WPT (World Poker Tour) à San Jose, où j’ai gagné 240.000 $ (175.000 euros).
Vous avez également participé à la finale du France Poker Tour, les 14 et 15 juillet dernier. Un événement sponsorisé par la société de jeu en ligne Unibet. Du coup, l’événement à dû s’exiler à San Remo, en Italie. Pourquoi les pouvoirs publics freinent-ils le développement du jeu en ligne, et notamment du poker?
La réponse est évidente. Ils souhaitent conserver la mainmise du jeu en France, à travers notamment le monopole de la Française des Jeux, qui ramène beaucoup d’argent dans les caisses de l’Etat. Mais cette position est difficilement tenable à long terme car elle n’est pas en conformité avec les directives européennes sur la libre concurrence. En plus, le poker est en train d’exploser, notamment à la télé. Dans certains pays, c’est même considéré comme un sport à part entière.
Le poker est un sport?
C’est avant tout un sport mental. A certains moments, je me considère comme un sportif. J’essaie notamment d’avoir une alimentation très saine. Pendant les tournois, où l’on doit rester concentré à la table une dizaine d’heure par jour, je mange souvent une banane, une pomme, des fruits secs… Le joueur qui boit du café toute la journée, au bout de quelques heures, il disjoncte. Il part en «tilt», comme on dit dans le monde du poker.
Quelles sont les qualités d’un grand joueur de poker?
La maîtrise de soi, la patience, être capable de quitter la table quand on a subi un mauvais coup. Le premier conseil que je donnerais à un joueur de poker, c’est d’être capable de gérer son temps. Il y a quelques années, j’étais capable de jouer 18 heures d’affilée, de dormir 3 heures, puis de reprendre dans la foulée. C’était une grosse erreur car on ne peut pas conserver le même niveau de jeu dans ces cas-là.
Quel est votre plus gros coup de chance?
Je l’attends encore! Pour l’instant, chaque fois que j’ai joué une grande finale, je n’ai pas touché les bonnes cartes. Au printemps 2006, lors d’une demi-finale au tournoi de Reno, j’étais chip leader (celui qui possède le plus de jetons) et je suis allé à tapis avec une paire de rois avant le flop. Malheureusement, mon adversaire, Barry Greenstein (l’un des meilleurs joueurs du monde), avait une paire d’as.
La chance est importante au poker?
Sur une partie, oui. Mais sur une année, elle est infime. Les meilleurs joueurs font toujours la différence, notamment en cash game.
En cash game?
Il y a deux types de poker: le cash game et le tournoi. En cash game, vous mettez directement votre argent sur la table. En tournoi, vous payez un droit d’entrée et gagnez de l’argent si vous terminez parmi les meilleurs. Personnellement, j’ai une nette préférence pour les tournois, car la compétition me motive plus que l’argent. Je joue au cash game de manière «alimentaire». Un peu comme un comédien qui fait des pubs en attendant de tourner dans un film de Spielberg!
Les vidéos de Fabrice Soulier sont sur
son blog.
(Source : 20minutes.fr/Franck Crudo)