Celle des employés, mécontents de leurs salaires, inquiets de l'automatisation des jeux. Celle des clients, privés de leur loisir favori.
Les sourcils froncés, le menton réfugié dans un manteau de fourrure ostentatoire, cette cliente guindée quitte le casino au bras de son mari. L'amertume est loquace. « Je suis sûre que ça va fermer ce soir. On voulait jouer, mais on n'a rien pu faire. Qu'ils fassent leur grève, puisqu'ils en ont le droit. »
Une réaction parmi d'autres à Deauville, ce week-end, où la grève des employés de jeu a été la plus suivie en France. La normandie du chic a vécu un petit choc : ses établissements phares, à Trouville et Deauville, ont eu droit à un régime de fin d'année. Un chiffre d'affaires amputé d'environ 150 000 € (avant prélèvement de l'État) et quelque 150 employés de jeu (sur 300) qui ont manifesté, dimanche, en bloquant l'arrivée des voitures de la clientèle.
Du client huppé à monsieur tout-le-monde, la surprise a été la même. Les réactions ont varié. Un groupe de Japonais n'a pu s'empêcher d'immortaliser les panneaux de revendications salariales : « 985 €, salaire net d'un employé de casino. » Jacques, un client caennais venu avec son épouse, a découvert qu'il y avait des smicards dans son écrin favori. « Franchement, je ne savais pas qu'ils gagnaient aussi peu d'argent. Ils ont raison d'être là. »
D'autres ont même écrit quelques mots chaleureux sur les pancartes postées devant l'entrée : « Bonne chance, nous sommes avec vous. » Certains ont simplement signé. Pour le reste, quelques discussions polies et beaucoup d'indifférence, teintée d'agacement. « On aurait aimé ne pas en arriver là, assurait samedi Frédéric Lemperier, délégué du personnel FO. On avait prévenu la direction générale de nos intentions. C'est lourd pour tout le monde, c'est vrai. Mais il fallait que l'on nous entende. » Mission accomplie pour les syndicats. Éric Cavillon, directeur général des deux établissements, retient « l'insatisfaction d'un certain nombre de clients, qui n'avaient rien à voir avec ce conflit. On a essayé de les satisfaire et je crois qu'on a réussi à répondre aux attentes. Cela a été d'autant mieux géré que l'on n'est pas coutumier du fait. » Deauville la rebelle s'est réveillée, hier matin, avec la fin du mouvement, la reprise du travail et un accord verbal de la direction avec les employés des machines à sous. Le jeu reprend ses droits.
(source : ouest-france.fr/Benoît GUÉRIN)