La soirée du réveillon dans les casinos, l'une des plus rentables de l'année, a été perturbée dimanche par une grève des personnels, "smicards des tapis verts", pour le retrait d'un projet d'arrêté ministériel jugé néfaste à l'emploi et pour des hausses de salaires.
Parmi les 17.000 employés, le mouvement de grève a été "fortement suivi sur le terrain", selon un communiqué de l'intersyndicale FO, CFDT, CGT et CFE-CGC dimanche soir, tandis que la mobilisation était qualifiée de "faible" par le patronat (Casinos de France et Syndicat des casinos modernes de France).
"Sur les 50 plus gros casinos de France, une trentaine ont été très perturbés, dont au moins sept fermés: Aix-en-Provence, Aix-les-Bains, Trouville, Berck-sur-Mer, Cap d'Agde, Evian et Beaulieu", a déclaré David Rousset (FO). "Moins de 4 casinos sur 190 en exploitation pourraient fermer en totalité ou en partie", avait relativisé le Syndicat des casinos modernes en début de soirée.
Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, s'est déclaré "désolé" de cette grève, jugeant le projet d'arrêté contesté par les syndicats "de nature à améliorer le statut de la profession". Quant aux clients des casinos fermés, il a estimé qu'"ils feraient des économies".
Depuis l'annonce du conflit national, le 21 décembre, au lendemain de l'échec de négociations salariales, syndicats et patronat se sont livrés à un poker menteur sur l'ampleur de la mobilisation du 31 décembre, soirée paillette cruciale pour les activités de restauration et de spectacle.
A Deauville et Trouville (groupe Barrière), le directeur général Eric Cavillon avait exclu une fermeture même si "certains personnels débrayaient". Sur la Côte d'Azur, les directions de 11 casinos ont assuré qu'il n'y avait aucune perturbation malgré un piquet de grève et une banderole "Rien ne va plus" devant le Palm Beach à Cannes.
Samedi, certains patrons avaient consenti in extremis des hausses de salaires ou des primes, comme à Saint-Malo, au Touquet, à Perros Guirrec, Carnac, ou à Lyon.
Première revendication: des hausses de salaires de 5%, alors que le patronat proposait 2%. "Dans les casinos, il y a une majorité de smicards, qui travaillent dans la fumée et le bruit pendant les nuits, les jours fériés, les week-ends", souligne Enrique Cuevas (CFDT). "Or les casinos n'ont jamais gagné autant d'argent", s'insurge M. Rousset (FO).
Mais la principale inquiétude repose sur la généralisation de l'électronique dans les établissements de jeu, avec la parution annoncée d'un arrêté du ministère de l'Intérieur, autorité de tutelle du secteur des jeux, sur "la réforme de la réglementation des casinos", au nombre de 193 en France.
L'arrêté légalisera les "formes électroniques" des jeux de table traditionnels, comme le black-jack ou la roulette.
Des dispositions qualifiées de "plan social déguisé" par les syndicats, qui craignent la disparition de 3.500 emplois et s'inquiètent de l'obligation d'effectuer plusieurs postes de travail sans contrepartie.
"La réussite de cette première grève nationale est d'autant plus flagrante qu'elle intervient malgré l'utilisation de procédés qui ne font pas l'honneur de leurs auteurs: le chantage au licenciement, les menaces, la désinformation patronale et autres méthodes de gangsters", affirme le communiqué de l'intersyndicale, qui estime que la balle est désormais "dans le camp du ministre de l'Intérieur et des patrons de casino".
Les représentants des salariés se sont dits d'accord pour discuter du texte au ministère de l'Intérieur le 12 janvier, peu avant la désignation prévisible par l'UMP de Nicolas Sarkozy comme candidat à la présidentielle.
(source : la-croix.com/AFP)