Ils font circuler une pétition contre le projet de loi sur la prévention de la délinquance qui vise les sites de jeux d'argent.
Ils ne sont pas contents, et cela n'a rien d'un coup de bluff. Près de six cents joueurs de poker français ont déjà signé une pétition en ligne pour protester contre le prochain vote, le 5 décembre, à l'Assemblée nationale, du projet de loi sur la prévention de la délinquance.In fine, deux amendements sortis de l'examen du texte en commission des lois devraient être adoptés. Ils concernent plus spécifiquement les sites de jeux d'argent.
L'un instaure un mécanisme de« gel par les établissements bancaires des flux financiers des personnes organisant des jeux prohibés sur Internet ». L'autre touche les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) qui devront signaler à leurs abonnés une liste nominative des sites prohibés par le ministère de l'Intérieur. Seraient visés pêle-mêle les loteries, les sites de paris, ainsi que les sites de poker en ligne.
Et c'est là que le bât blesse. Pour l'un des initiateurs de la pétition Libérez nos jetons, Alexandre Dreyfus (un consultant sur le jeu en ligne qui compte parmi ses clients plusieurs sites spécialisés), de telles mesures pourraient aboutir au gel des gains obtenus par des internautes français sur des sites de jeux d'argent basés à l'étranger.« Si demain, on nous interdit l'accès à ces sites, ou pire on nous réprimande, nous serons donc obligés d'aller jouer dans les casinos "réels" ou les cercles parisiens », écrit Alexandre Dreyfus sur le site de la pétition.
Pour le poker sur Internet, en l'absence de webcams, le bluff, cher aux joueurs, existe toujours, il prend la forme de mises et d'enchères lancées par chacun des joueurs d'une partie. Au-delà du simple intérêt des joueurs, pour lesquels cette pétition a été officiellement lancée, il y a un marché de 3 milliards d'euros (plus que les taxes sur l'alcool et les cigarettes réunies). Un marché de jeux et de paris en ligne que se réserve aujourd'hui l'Etat français par l'intermédiaire de la Française des Jeux, en situation de quasi-monopole sur le territoire.
« Pas de blanchiment d'argent sur les sites de poker et de paris en ligne »
« Que ces activités soient opérées en France par la Française des Jeux ou par d'autres acteurs, nous ne demandons qu'une chose, c'est qu'à terme, l'offre légale proposée par un opérateur disposant d'une licence sur le marché français soit d'aussi bonne qualité que ce qui est aujourd'hui proposé sur les sites étrangers. »
Si le secteur a pu être parfois soupçonné de blanchiment, Alexandre Dreyfus balaie ces allégations.« Sur les 2 000 sites spécialisés qui évoluent dans le monde, à peine 1 % est peut-être concerné par ce phénomène. Et cela touche les casinos en ligne et non les sites de poker ou de paris. Pour ces derniers, tout est clair. La plupart des entreprises opérant en Europe sont cotées en Bourse. Et si l'on regarde comment les paiements s'effectuent, par carte ou virement bancaire, il n'y a pas de place pour le blanchiment. »
Pour détecter les éventuels dysfonctionnements, Alexandre Dreyfus indique que chaque site digne de ce nom intègre dans ses rangs des« fraud managers » chargés de donner l'alerte quand, par exemple, un match de deuxième division belge suscite d'un seul coup un vif intérêt de la part de parieurs situés à l'autre bout du monde.
Enfin, si certains consommateurs se posent des questions sur le fait que des sites élisent domicile dans des paradis fiscaux,« C'est simplement parce qu'en France, il leur est aujourd'hui impossible d'obtenir une licence auprès du ministère de l'Intérieur », précise Alexandre Dreyfus.
(source : lexpress.fr/Philippe Crouzillacq)