Plus de mille sites illégaux seraient accessibles sur la Toile. La perspective de gains élevés attirent cadres trentenaires et femmes au foyer.
LES BAnDITS manchots nichés au fond des bars interlopes et les tripots à l'ancienne risqueraient-ils d'être relégués aux oubliettes du banditisme ? La question, a priori iconoclaste tant les profits dégagés par les bandes criminelles demeurent colossaux en la matière, est désormais prise au sérieux par le ministère de l'Intérieur. Selon les derniers constats dressés par la sous-direction des courses et des jeux de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG), les parieurs clandestins délaisseraient les « jeux en dur » pour miser en masse sur Internet.
En une dizaine d'années, le nombre des sites illégaux de jeux en ligne a littéralement explosé pour dépasser le cap du millier. « Dans un premier temps, nous avons vu fleurir une poignée de serveurs en langue anglaise proposant des loteries et des pronostics sportifs portant notamment sur des rencontres de football, explique le commissaire divisionnaire Dominique Bertoncini, patron de la section judiciaire à la DCRG. Animés par des bookmakers anglo-saxons, ils sont installés en Angleterre, à Malte, Chypre ou encore au Belize afin de contourner la législation française qui prohibe les jeux de hasard et d'argent. » Considérant que les paris peuvent vite devenir un vice destructeur s'ils ne sont pas strictement encadrés, les autorités n'en autorisent l'organisation qu'à la Française des jeux, au PMU et à quelque 200 casinos implantés à travers le pays.
«Escroqueries potentielles »
« Ces monopoles permettent de détecter les cas d'addiction, d'assurer le bon versement des gains, de repérer les tricheries et les escroqueries potentielles, explique-t-on à la DCRG. Par ailleurs, nos surveillances écartent toute mainmise de groupes criminels désireux de blanchir de l'argent sale. Mais le phénomène des jeux en ligne, qui rencontre un pic depuis 2003, a bouleversé la donne... »
Les nouveaux cyberjoueurs dépensent dorénavant sans compter. Anonyme derrière son écran d'ordinateur, en un simple clic, le parieur consacre jusqu'à 300 euros par jour en rêvant de fortune. Un simple numéro de carte de crédit suffit. Âgés d'une trentaine d'années, ces « accros » seraient composés de cadres et, plus récemment, de femmes au foyer, sujettes à l'ennui. Reste à savoir d'où vient cette frénésie pour le virtuel...
« Les parieurs estiment que les gains obtenus sur les sites clandestins sont supérieurs à ce que reversent les grands opérateurs, explique un expert. Dans le circuit officiel, une partie des mises atterrit dans les caisses de l'État, gourmand en taxes. Ainsi, à en croire certains organisateurs clandestins, les gains perçus pourraient dépasser de 15 % la cote officielle. « En contrepartie, le risque est que les sommes promises par les sites illégaux ne soient pas versées, rappelle le commissaire Bertoncini. Ainsi, comment garantir qu'un casinotier retranché aux Caraïbes ou au Belize va rétribuer un gagnant et ne pas profiter de ses références bancaires pour commettre des escroqueries?... »
Au sein de l'Observatoire des jeux liés aux nouvelles technologies, une cellule spécialisée de cyber-policiers a lancé la traque des sites à risques. À terme, les pouvoirs publics souhaitent, comme en Italie, associer les banques ainsi que les fournisseurs d'accès pour endiguer le nombre des connexions douteuses. Outre trois affaires d'escroqueries en cours d'instruction, les RG ont interpellé en septembre les dirigeants de la firme autrichienne Bwin, mastodonte du pari en ligne, lors d'un de leur passage en France. Accusés de violation des monopoles détenus par le PMU et la Française des jeux, ils ont été mis en examen et libérés contre une caution de 300 000 euros.
(source : lefigaro.fr/CHRISTOPHE COR
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