Deux amendements au projet de loi sur la prévention de la délinquance abordent la lutte contre les sites de jeux d'argent. Mais il reste une incertitude sur leur conformité avec le droit européen.
Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait annoncé la couleur en octobre en présentant en Conseil des ministres un plan d'action interministériel contre la publicité en faveur de sites de jeux illégaux. Les parlementaires lui emboîtent le pas.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière deux amendements visant les jeux d'argent sur Internet. Ils feront ainsi partie des dispositions débattues par les députés dans le cadre du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Le texte arrive à l'Assemblée nationale le 21 novembre, après une première lecture au Sénat en septembre.
Ces amendements prévoient d'ajouter deux articles au projet de loi. Le premier instaurerait un mécanisme de « gel des flux financiers des personnes organisant des jeux prohibés sur Internet » par les établissements bancaires. Qu'il s'agisse des avoirs des sociétés organisant ces activités ou ceux de personnes physiques. Les activités visées sont les sites de paris ou les loteries en ligne « prohibés par la loi française ».
Ce qui signifie en fait tous les sites de ce type, hormis ceux relevant de la Française des jeux et du PMU. Le jeu, en France, étant un monopole d'Etat. En janvier 2006, le site Zeturf.com avait été condamné en appel sur cette base. Mais c'est justement parce qu'il est sérieusement mis à mal par la concurrence sur Internet que les pouvoirs publics veulent agir.
L'autre amendement concerne les fournisseurs d'accès à Internet (FAI). Ils devront signaler à leurs abonnés une liste nominative de sites prohibés, identifiés comme tel par le ministère de l'Intérieur. Au risque de faire, du coup, une publicité involontaire à ces plates-formes... Ils devront également informer les internautes des « risques de sanctions encourus [...] du fait d'actes de jeux réalisés en violation de la loi ». L'amendement ne précise, ni où, ni quand, ni comment, cette prévention est censée intervenir. Ces modalités feront partie des futurs débats.
« Des dispositions inapplicables en France »
En cas de manquement à ces exigences, les FAI s'exposent à une sanction d'un an de prison et 75 000 euros d'amende. Les fournisseurs d'accès discutent depuis le début de l'été avec une délégation interministérielle (Budget, Intérieur, Industrie, Famille, Justice). Appuyés par le ministère de l'Industrie, ils ont encore dû batailler pour éviter la mise en place d'un filtrage pur et simple de sites de jeux.
« En revanche, ce que nous avons proposé dès le début, c'est une charte où nous nous serions engagés à informer nos abonnés des dangers et des sanctions et à insérer la liste des sites fournie par le ministère de l'Intérieur dans nos outils de contrôle parental », explique le président de l'association française des FAI, Guiseppe de Martino. Une idée qui n'est d'ailleurs pas exclue.
Deux autres dispositions qui prévoyaient de renforcer les sanctions pénales contre les jeux en ligne n'ont pas été retenues par la commission des lois. Il semble que les députés aient décidé de ne pas trop en faire. Car il se trouve qu'au moment où la France s'attaque aux jeux en ligne, les instances européennes planchent elles aussi sur le sujet.
« Même si ces dispositions passent au Parlement, elles seront inapplicables en France, estime Thibault Verbiest, avocat au cabinet Ulys et spécialiste du droit du jeu. La France fait l'objet d'une procédure d'infraction au droit européen sur les paris sportifs. Paradoxalement, elle ne fait qu'aggraver son cas en voulant protéger ses intérêts, car elle montre qu'elle n'a aucune considération pour les procédures en cours... »
Plusieurs prestataires, comme les responsables de Zeturf.com ou les Casinos Partouche, ont décidé de s'en remettre en effet au droit européen sur la libre circulation des services pour exercer leurs activités en ligne en France. Quoi qu'il en soit, pour Thibaut Verbiest, « l'objectif [des autorités françaises, NDLR] est atteint : effrayer tout le monde, les sites, les sociétés de jeux et de paris en ligne. Un climat de défiance s'est installé ».
Grâce à (ou à cause de) par exemple des actions d'éclat comme l'arrestation des dirigeants du site de paris autrichien Bwin, sponsor de l'AS Monaco. A l'origine, il y avait une plainte de la Française des jeux.
(source : 01net.com/Arnaud Devillard)