Les excès publicitaires de la Française des Jeux et du PMU, notamment sur Internet, pourraient bien sonner le glas du monopole d'Etat.
Les jeux sont-ils faits ? Le 12 octobre, l'Etat français a été mis en demeure par la Commission européenne d'expliquer en quoi les mesures empêchant la fourniture par des tiers de services de paris sportifs (sur les courses de chevaux comprises) ayant obtenu une licence dans un Etat membre sont compatibles avec l'article 49 du traité CE, rappelant ainsi le principe de libre prestation de services à l'intérieur de l'Union européenne. Derrière cette procédure se cachent, en réalité, des enjeux importants pour la France. En effet, la réglementation française assimile les paris sportifs à des jeux de hasard, lesquels sont interdits, sauf dans les maisons de jeux dûment autorisées par le ministère de l'Intérieur. Aucune autorisation n'étant accordée aux sites Internet de casino ou de paris, ceux qui sont accessibles en France encourent des sanctions pénales, à l'exception de celui exploité par la Française des Jeux (FDJ) qui propose différents paris sportifs payants. Le site du PMU, seul habilité en France à recueillir en ligne les paris sur les courses hippiques, bénéficie de la même protection. La FDJ et le PMU se partagent ainsi le gâteau des paris sportifs en ligne.
Si les principes sont clairs, la réalité l'est peut-être moins. Une multitude de sites de jeux, tous illicites en France, y sont néanmoins accessibles depuis quelque temps déjà et connaissent un succès certain auprès des internautes français. Cette réalité est le résultat d'une politique de prohibition qui amène ceux qui veulent proposer aux parieurs français une alternative aux paris de la FDJ et du PMU à s'expatrier dans des pays autorisant cette activité.
Un système d'« Etat croupier »
Ces sites prennent certainement des risques juridiques puisque le juge français considère qu'à partir du moment où un site est accessible en France, les lois françaises ont vocation à s'appliquer. L'arrestation le 15 septembre dernier des dirigeants du site de paris sportifs Bwin qui a obtenu une licence à Gibraltar en aura été une illustration particulièrement vivante. Zeturf, site de paris sur les courses hippiques françaises opérant depuis Malte, a également été condamné par le TGI de Paris le 8 juillet 2005, suite à une action du PMU, à mettre fin sur son site « à l'activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France » (1) - sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard. Le PMU, comme la FDJ, entendent donc bien protéger leur monopole.
Mais la France arrivera-t-elle toujours à justifier du maintien d'un tel monopole ? On peut en effet se demander si un régime d'autorisation préalable octroyée à des sites respectueux des règles d'éthique, fondé sur la transparence et la non-discrimination, ne serait pas plus adapté à l'ère de l'Internet. Il est certain qu'un tel cadre aurait le mérite de légaliser des sites qui se sont engagés dans la lutte contre la corruption et la dépendance aux jeux et dans la protection des mineurs, tout en rendant plus difficile l'existence de sites plus « suspects ». Les régimes de prohibition absolue ne favorisent-ils pas davantage les systèmes parallèles corrompus qu'ils ne permettent de les combattre efficacement ? De fait, alors, ce système d'« Etat croupier » est-il encore viable ? La Commission souhaite des explications sur ce point, parce que, si la jurisprudence communautaire a reconnu aux Etats membres la possibilité de restreindre, voire d'interdire les jeux d'argent (2) au nom de l'intérêt général, selon la CJCE, l'intérêt général devrait viser « la réduction des occasions de jeu » (3) et cette condition n'est pas remplie lorsque l'Etat encourage activement le jeu à travers ses propres monopoles. Et la mise en garde par le Conseil d'Etat en 2000 contre l'offre croissante et diversifiée de jeux ne l'avait pas freiné dans ses ardeurs. Le décret du 17 janvier 2006 lui imposant de veiller à une exploitation transparente des jeux, de lutter contre les fraudes et d'encadrer la consommation de jeux devrait, en principe, l'y obliger. L'on peut néanmoins se demander s'il ne s'agissait pas plutôt d'une ultime tentative pour essayer de justifier le monopole aux yeux de la Commission européenne - et par là même sauver une importante manne financière pour l'Etat.
La France a deux mois pour convaincre la Commission que sa réglementation est conforme au droit européen. A suivre donc.
(source : lesechos.fr/CHRISTOPHE PEC
nARD, VALÉRIE CARITOUX (*))
(*)
nomos, société d'avocats.(1) Ordo
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n appel le 4/01/2006.(2) CJCE du 24/03/1994aff. C-275/92, Schi
ndler.(3) 6/11/2003, aff. C-243/01, Gambelli.