Plusieurs Etats dont la France doivent justifier leur monopole.
La Commission européenne est bien décidée à avoir la peau des monopoles publics sur les jeux et les paris. Elle ouvre aujourd'hui la première étape d'une procédure dans le domaine des courses de chevaux qui va conduire la France, l'Italie et l'Autriche devant la Cour de justice européenne. Déjà, le 4 avril, sept autres Etats membres (Allemagne, Danemark, Finlande, Hongrie, Italie, Pays-Bas et Suède) ont été sommés de justifier leur monopole public sur les paris sportifs. Prochainement, ce sont l'ensemble des jeux et des loteries qui devraient à leur tour être visés par l'exécutif européen.
«Dossier accablant». Le commissaire chargé du marché intérieur, le conservateur irlandais Charlie MacCreevy, connu pour son amour des courses de chevaux, justifie cette offensive tous azimuts, non par un souci de libéraliser le secteur à tout prix, mais par la volonté de lutter contre les discriminations dont seraient victimes les opérateurs privés, notamment les sites de paris en ligne. «Chaque Etat membre est libre d'interdire, de limiter ou d'accepter sans limite les jeux d'argent» , explique un haut fonctionnaire de la Commission. «En revanche, nous ne pouvons accepter qu'il y ait deux poids deux mesures entre les opérateurs : un pays comme la France, par exemple, augmente continuellement son offre de jeux et en fait la promotion active tout en expliquant qu'il ne faut pas ouvrir à la concurrence ce secteur afin de ne pas multiplier les occasions de jouer. Soit les jeux sont dangereux, soit ils ne le sont pas.» Pour lui, «le dossier français est accablant» .
Du côté des opérateurs publics, on ne tient évidemment pas le même langage : «Il est vrai que l'offre de jeux croît et qu'on en fait la promotion» , explique Philippe Lemaitre, du lobby Gplus qui représente les intérêts de la Française des jeux (FDJ). «Mais, les jeux doivent demeurer attractifs afin d'éviter que les gens se tournent vers les paris clandestins ou les jeux en ligne.»
Sécurité publique. En réalité, deux logiques s'affrontent. Pour la Commission, soutenue par la Grande-Bretagne et l'Irlande (où l'activité est totalement libéralisée) ainsi que par les casinos et les clubs de football, les jeux sont des services comme les autres et doivent donc être ouverts à la concurrence : le monopole public ne serait qu'un prétexte des gouvernements pour faire main basse sur la caisse. Bruxelles a déjà essayé, début 2004, de glisser les jeux dans le projet de directive ouvrant les services à la concurrence, dite Bolkestein, avant de se heurter au refus des Etats et du parlement européen pour qui ils posent des problèmes de santé (l'addiction) et de sécurité publique (le blanchiment d'argent) et doivent donc demeurer sous contrôle des pouvoirs publics.
Au final, c'est la Cour de justice européenne qui arbitrera. Elle a déjà jugé, en 2003, que si les Etats sont libres de contrôler les jeux, c'est à la condition de ne pas augmenter plus que de raison leur propre offre. Pour la Commission, les Etats qu'elle va poursuivre sont dans ce cas précis. Reste qu'il est curieux que cette question de société n'ait donné lieu à aucun débat sérieux au sein de l'exécutif européen, qui s'est abstenu de lancer une consultation des différents acteurs avant de déclencher cette bataille judiciaire.
(source : liberatio
n.fr/Jea
n QUATREMER)