Malgré les inondations, le casino de Lugano, rénové, ouvre ses portes au public samedi.
Après avoir prospéré durant des décennies grâce à la prohibition suisse, les casinos des pays voisins disent ne pas craindre cette nouvelle concurrence.
L’avocat luganais Rocco Olgiati en est convaincu. Président du Conseil d’administration de la société Casino Lugano SA, il a répété à plus d’une reprise, ces derniers mois: «notre casino sera le plus beau et plus moderne de Suisse sinon d’Europe.»
L’heure de vérifier a donc sonné. En tout état de cause, le casino a déjà relevé un premier défi. Le délai pour sa restructuration a été respecté et la date de l’inauguration, fixée il y a environ un an, a pu être maintenue.
L’édifice prestigieux qui attend ses premiers flambeurs ne ressemble presque plus au vieux «Kursaal» qui commençait à rendre l’âme.
Construit entre 1896 et 1897 par l’architecte milanais Achille Sfondrini, agrandi une première fois en 1907, siège en 1928 d’une session de la Société des Nations, le vieux casino avait grandement besoin d’une rénovation.
Une clientèle milanaise solide et argentée
La maison de jeux ayant obtenu la concession de type A, la seule au Tessin, la modernisation a été faite en grand style. Elle a coûté 55 millions de francs.
Le casino appartient pour deux tiers à la ville de Lugano, le reste est en mains privées. Grâce à l’investissement considérable fait par sa société de gestion, il est désormais prêt à affronter la concurrence de la maison de jeux toute proche, celle de l’enclave de Campione d’Italia. Et la concurrence n’est pas des moindres.
Le casino italien a plusieurs décennies d’expérience et compte sur une clientèle solide et argentée, milanaise pour la plupart. Dans deux ans, il s’installera dans un luxueux bâtiment signé Mario Botta et actuellement en construction.
«Le casino de Lugano ne nous fait pas peur et nous sommes certains qu’il ne nous prendra pas nos habitués», souligne son attaché de presse.
Côté français, pas d’inquiétude majeure. Sur les rives du Léman, à Annemasse et Evian, on attend avec une certaine sérénité l’ouverture du casino de Montreux, prévue en février.
«Nous nous préparons déjà depuis quatre ans», précise Patrice Caillaux, directeur du casino d’Evian.
Sérénité à Annemasse
Le casino français a revu sa stratégie. Il a enrichi son offre, essentiellement dans le domaine des animations. «Les clients sont toujours plus exigeants et apprécient une offre diversifiée», ajoute le directeur.
A Annemasse, c’est avec plus de sérénité encore que l’on attend l’arrivée du casino de Genève. Un concurrent de série B.
Le directeur d’Annemasse, Régis Décamps relève un autre élément important qui, selon lui, permettra au casino de garder sa clientèle suisse: «Pour ne pas se faire remarquer, de nombreux clients préfèrent aller jouer dans une autre ville que la leur.»
Avec ses 350 slot-machines et ses 26 tapis verts, répartis sur 4000 mètres carrés, et son restaurant de luxe panoramique, le casino de Lugano est sûr de trouver sa place dans le monde des grands jeux. Ses promoteurs n’ont rien laissé au hasard.
Ils sont allés aux Pays-Bas pour trouver le directeur de leurs rêves, formé à l’école nordique, ils ont trié sur le volet leurs 264 employés. Les croupiers de la maison de jeux sont tous professionnels, certains ont à peine décroché leurs diplômes à l’école de croupiers.
Les femmes sont nombreuses et la moyenne d’âge dépasse de peu les 30 ans. Le personnel compte plusieurs attachés à la sécurité, chargés de contrôler la provenance des grosses mises: «nous nous préparons ainsi à affronter le recyclage d’argent sale», explique Me Olgiati.
Tour d’horizon des casinos suisses
Mais où en est l’ouverture des autres casinos suisses? Des sept maisons de jeux à avoir obtenu la concession de type A (grands jeux), celle de Lugano est la quatrième à ouvrir ses portes après Lucerne, Baden et Berne.
En revanche le casino de Montreux, le seul grand casino de Suisse romande, vient d’annoncer qu’il retardait son ouverture, prévue pour le mois de décembre, à février 2003.
Celui de Bâle, financé par le groupe français Barrière qui contrôle aussi la maison de jeux de Montreux, n’ouvrira pas avant l’été 2003. Il sera construit à proximité de l’aéroport et coûtera 50 millions de francs environ.
Le dernier des grands casinos suisses, celui de Saint-Gall, mettra sa roulette en fonction à l’automne 2003. Une soixantaine de millions de francs y seront investis.
En revanche, presque tous les casinos de type B – à mises limitées, ont ouvert cette année ou s’apprêtent à le faire. Le premier de Suisse romande, celui de Crans-Montana en Valais, a démarré en juillet dernier.
Une des plus grandes densités au monde de casinos
Au Tessin, le casino Admiral de Mendrisio a été inauguré le 9 octobre dernier. Celui de Locarno ne sera pas fonctionnel avant 2004. Le groupe zurichois qui le dirige vient en effet de décider un changement de lieu.
Le «Casino Grand Hôtel» aurait dû, comme son nom l’indique, ouvrir dans l’ancien grand hôtel de Muralto, aux portes de Locarno. Ses promoteurs ont abandonné l’idée et ont choisi d’installer leur maison de jeux dans l’édifice du Kursaal de Locarno, récemment fermé.
Ainsi avec un total de 21 maisons de jeux, la Suisse peut se vanter d’avoir une des plus grandes densités au monde de casinos.
Il n’est pas encore certain que tous réussiront à survivre. Mais l’appétit pour le jeu de hasard semble grand: lors de la course aux concessions, la Confédération a écarté 40 projets.
(source : swissinfo/Gemma d’Urso à Lugano avec Armando Mombelli)