Du luxueux Casino du Liban surplombant la mer aux bars louches du vieux port chrétien, le port de Jounieh a continué d'offrir bien des plaisirs aux visiteurs, mais le conflit au Liban, qui s'est dangereusement rapproché vendredi, a jeté une ombre sur les fêtes nocturnes.
"The show must go on" a toujours été la devise du Casino du Liban, juché sur une colline face à la Baie de Jounieh, au nord de Beyrouth. Mais le coeur n'y est plus depuis l'offensive israélienne déclenchée le 12 juillet. Et vendredi, l'aviation israélienne a bombardé quatre ponts à proximité, dans cette région jusqu'ici épargnée.
"Tout le monde est déprimé. Il n'y a plus de vie. Vous appelez ça une vie?", demande un employé en pointant du doigt une salle remplie de machines à sous mais en grande partie désertée par les clients. "Habituellement, on a peine à marcher dans cette salle tant elle est bondée", dit-il.
Depuis le début du conflit, les nuits ne sont plus aussi longues aux tables de jeu, le casino fermant désormais à 01h00 du matin plutôt qu'à 05h00. Une seule salle de jeu sur trois est ouverte pour les mordus de la roulette et du black-jack.
Les salles privées ont été fermées, les joueurs invétérés et fortunés ayant été "les premiers à fuir le pays", selon cet employé. Et le spectacle estival, mettant en vedette des danseuses, a été annulé.
Le Casino du Liban, qui a ouvert ses portes en 1959, n'est pas confronté à son premier conflit. Il avait réussi à traverser plus ou moins normalement les années de guerre (1975-1990) jusqu'à sa fermeture en 1989, après avoir été sérieusement endommagé dans des affrontements inter-chrétiens.
En 1996, complètement rénové, il rouvrait ses portes avec l'espoir d'attirer, dans la paix retrouvée, des clients du monde entier.
"Les jeux sont faits", lance le croupier jeudi soir devant quelques joueurs, tandis qu'une jeune hôtesse libanaise jette un regard morose sur la table.
"Qui sait ce qu'il adviendra demain. Peut-être demain nous n'aurons plus de pétrole, plus de téléphone, et nous irons à dos d'âne", dit-elle. "Si la Syrie et l'Iran interviennent dans ce conflit, c'est la fin", soupire-t-elle.
Au pied de la colline, les néons des cabarets et des bars se dressant face à la mer s'illuminent peu après minuit. Plusieurs établissements, aux noms aussi évocateurs que Barbie Super Night, ont fermé leurs portes alors que nombre de leurs "artistes" venues d'Europe de l'est ont préféré prendre le large au début du conflit.
"Leur ambassade a téléphoné et leur a demandé si elles voulaient partir. Beaucoup d'entre elles ont été évacuées vers la Syrie et Chypre, où elles ont trouvé du travail", explique le gérant d'un cabaret, à qui il ne reste plus que 14 filles contre 40 avant le conflit.
Les établissements encore ouverts continuent cependant de fonctionner aux heures régulières, jusqu'à 05h00 du matin. Et pour ne pas heurter les moeurs arabes, les strip-tease sont officiellement interdits.
Svetlana, une blonde ukrainienne, et Natacha, une Russe, n'ont pas l'intention de quitter le Liban. "Mes amies sont restées, alors je reste", dit Svetlana, 26 ans.
"Les gens viennent ici pour se relaxer, pour oublier ce qui se passe. Ils ne veulent pas parler de la guerre", ajoute-t-elle. Au bar, devant une pile de factures et de notes, le gérant pousse un soupir de désespoir: les affaires sont en baisse de 50%.
(source : 20minutes.fr/AFP)