PARIS - Au grattage ou au tirage, l'abus de jeux peut nuire gravement au budget et à la santé des joueurs s'ils tombent dans la dépendance, à l'instar de toxicomanes.
Pour prévenir ces comportements excessifs, le gouvernement, juge et partie puisqu'il tire plusieurs milliards d'euros par an de ce secteur, a installé mardi un Comité consultatif pour la mise en oeuvre d'une politique du "jeu responsable" (Cojer).
Il devra aider l'Etat à veiller à la "probité" des jeux, à "protéger les publics les plus fragiles" et à "préserver l'ordre social et l'ordre public", a déclaré le ministre délégué au Budget Jean-François Copé, selon le texte de son intervention.
Distinct de l'autorité de tutelle du secteur des jeux qu'est la direction du budget, le Cojer est composé de représentants des ministères de l'Intérieur, de la Santé, des Sports et des Finances, d'un psychiatre, d'une magistrate de la Cour des comptes et de l'inspectrice générale de l'éducation nationale et de la recherche, Monique Sassier.
La mission du Cojer portera essentiellement, dans un premier temps, sur les activités de la Française des Jeux (environ 60% du chiffre d'affaires du secteur des jeux d'argent en France), a expliqué à la presse Jean-François Copé.
Il devra ainsi conseiller le ministre du Budget sur "les sujets délicats" et les questions d'encadrement et de contrôle des jeux, éclairer les décisions sur les nouveaux jeux proposés par la FDJ et donner son avis sur le "plan d'action commerciale annuel" de l'entreprise publique.
Le Cojer devra également donner son avis sur les mesures proposées par la FDJ pour prévenir "le jeu excessif et favoriser le jeu responsable".
"Il est hors de question d'entrer dans le piège d'une formule de prohibition qui est le pire des systèmes" et ne ferait qu'encourager les jeux clandestins, a cependant souligné Jean-François Copé. "Je préfère un système encadré par l'Etat."
Si l'expérience est concluante avec la FDJ, le rôle du Cojer pourrait être étendu au PMU, qui gère les paris sur les courses de chevaux, a-t-il ajouté.
JUSQU'AU SUICIDE
Selon des chiffres de Bercy, les prélèvements sur le secteur des jeux d'argent au profit de l'Etat, de la Sécurité sociale et des communes, en constante progression, se sont élevés à 5,1 milliards d'euros en 2005 (3,8 milliards d'euros en 2000).
Sur ce montant, 2,5 milliards proviennent de la FDJ et sont orientés "sur des activités de santé publique", a précisé le ministre délégué au Budget, plus de 1,1 milliard d'euros viennent du PMU et plus de 1,5 milliard des casinos.
Le gouvernement a signé en janvier avec les casinos un "protocole du jeu responsable". Il prévoit la généralisation du contrôle d'identité à l'entrée des casinos à compter du 1er novembre, pour faire respecter les listes d'interdits de jeu.
Si la mise moyenne en France - 150 euros par an - est inférieure de 20% à celle d'autres pays européens, le phénomène de la dépendance est bien réel et pourrait concerner jusqu'à 250.000 personnes, selon Marc Valleur, pyschiatre, médecin chef à l'hôpital Marmottan et membre du Cojer.
"La dépendance au jeu est une vraie pathologie. Ce sont des gens qui perdent des mois et des années", explique-t-il. "Le cancer du joueur, c'est la dépression. Ça va jusqu'au suicide."
"J'ai vu des gens qui avaient plus d'un million d'euros de dettes alors qu'il gagnent 4.000 euros par mois", souligne ce psychiatre. "Ça touche toutes les catégories sociales. Pour les gens au RMI ou au smic, c'est beaucoup plus rapide. Le RMI, c'est 13 euros par jour. Il suffit de jouer 20 euros par jour et on se retrouve à la rue."
Face à un développement "exponentiel" des jeux, recourant de plus en plus à internet, le gouvernement se place donc dans une démarche préventive, a souligné Jean-François Copé.
Le gouvernement entend ainsi maintenir l'interdiction des jeux d'argent en ligne "virtuels", c'est-à-dire ne s'appuyant pas sur un support physique comme les jeux de la FDJ.
Les internautes peuvent cependant accéder à des jeux mis en ligne à partir de sites "off shore", c'est-à-dire situés hors du territoire français.
"Nous souhaitons travailler sur cette question", a assuré Jean-François Copé. "Si cela apparaît nécessaire, nous prendrons les dispositions qui s'imposent à tous les niveaux de la chaîne pour faire appliquer les interdictions par rapport à des sites illicites. Après tout, nous l'avons fait pour la lutte contre les sites pédophiles."
(source : liberation.fr/Reuters)