Concurrencé, le groupe veut faire autoriser les jeux d'argent en ligne en France.
Les casinotiers français veulent leur part du cybergâteau. Organisé autour du groupe Partouche, le syndicat des casinos modernes de France, une des deux organisations patronales du secteur, attaque à Bruxelles le monopole de l'Etat français dans l'organisation des jeux de hasard. En ligne de mire: le jackpot des jeux sur le Web. Un magot sur lequel ont déjà misé deux opérateurs français, la Française des jeux et le PMU, mais qui reste interdit aux casinotiers. «Je veux faire la même chose», martèle Patrick Partouche, le président du groupe éponyme, qui dénonce «deux poids, deux mesures sur le nouveau vecteur de l'offre de jeu que sont les nouvelles technologies. On empêche un groupe connu et coté en Bourse de faire ce que tout le monde fait».
«Média de conquête». La Française des jeux avait été la première, en 2001, à lancer un site permettant de s'adonner, via l'Internet, au Loto et autres jeux de grattage. «Il s'agit de loteries, pas de machines à sous, précise-t-on à la FDJ, qui ne représentent que 0,9 % de notre chiffre d'affaires.» 68 millions d'euros, tout de même. Quant au PMU, depuis l'an dernier, il offre aux turfistes la possibilité de se ruiner en ligne avec le Quinté+ et le tiercé. Un «média de conquête» pour le GIE (groupement d'intérêt économique) hippique, dont les gains du site de prise de paris a crû de 75% en 2005, jusqu'à rapporter 250 millions d'euros. «Alors que le haut débit et le commerce en ligne se développent à grande vitesse et que les sites les plus regardés sont ceux de sexe et de jeu», indique Jean-Pierre Martignoni, sociologue et président de l'Observatoire des jeux, les industriels du bandit manchot, qui voient l'effet machines à sous s'essouffler et leur croissance fondre, lorgnent avec concupiscence sur ce «relais de croissance» présumé.
Autre motif d'agacement pour les casinotiers: la profusion de casinos en ligne domiciliés quelque part entre Gibraltar, Malte, Belize et Antigua. Dont certains sont en français... «L'Etat se montre extrêmement vindicatif sur les machines à sous clandestines, type brick and mortar, peste Patrick Partouche. Mais aujourd'hui, des centaines de sites de jeu offshore accessibles en France, avec des algorithmes et des flux financiers incontrôlables, viennent taper la clientèle nationale, qui joue dans une totale insécurité. L'Etat doit avoir une position claire, et se montrer capable de tout fermer ici.»
Terrestre. Mission impossible pour l'Intérieur, ministère de tutelle, qui, via les Renseignements généraux, marque à la culotte les établissements «en dur», mais se montre dépassé par les cybercasinos. «Avec le ludique terrestre, il est possible de contrôler les opérateurs, explique Jean-Pierre Martignoni. C'est beaucoup plus difficile pour le ludique virtuel : il n'y a pas de frontières. Le marché n'est ni français ni européen, mais mondial.»
La Toile, ou le casino sans frontières ? Depuis le 3 avril, les parieurs américains sont autorisés à flamber dans des casinos virtuels domiciliés à l'étranger. Une décision prise par l'OMC après une plainte d'Antigua-et-Barbuda, petit archipel des Caraïbes, contre les Etats-Unis. Difficile de ne pas y voir un lien avec la plainte auprès de Bruxelles. Outre cette dernière, le groupe Partouche mène l'offensive tous azimuts. Il a acquis, en quelques mois, des participations dans Cash TV, chaîne de jeu interactive sur Canalsat, et dans l'éditeur multimédia Quedesjeux.com. Va lancer, à la fin du mois, la filiale Partouche Interactive. Et menace d'aller plus loin en mettant en ligne, en septembre, «s'il ne se passe rien d'ici là, un site clandestin de plus au regard du droit français, qui s'appellera groupe Partouche».
(source : liberation.fr/D'ALLONNES David REVAULT)