Chaque fin de semaine, les avions venus de Turquie débarquent en République turque de Chypre du Nord (RTCN) des joueurs aux poches bien garnies. Les agences de voyages d'Istanbul organisent même des « séjours casino » à partir de 300 euros dans cette partie de l'île contrôlée par la Turquie depuis sa division, il y a plus de trente ans. Destination du week-end : la station balnéaire de Kyrinia et ses temples de la machine à sous.
A la tombée de la nuit, les façades illuminées racolent le client le long du front de mer. « Je fais un saut ici dès que je peux m'échapper d'Istanbul », avoue Kerem, conseiller en assurances et père de famille. Avant de se glisser dans l'ambiance enfiévrée du palace du Dôme, ce passionné du jeu avoue venir « tenter sa chance à Chypre au moins six fois par an ».
Le jeu s'est en effet délocalisé en RTCN depuis 1996, lorsque les islamistes du Refah, alors au gouvernement en Turquie, ont interdit les tapis verts dans le pays. Une décision davantage guidée par le principe de réalité que par les valeurs religieuses : la situation était alors hors de contrôle, les assassinats de patrons de casino par la mafia défrayaient la chronique.
Aujourd'hui, le jeu attire aussi des touristes britanniques ou israéliens et beaucoup de Chypriotes grecs. Depuis l'ouverture de points de passage entre les deux parties de l'île, en 2003, les accros du black jack affluent en masse.
Côté grec, la puissante Eglise orthodoxe a toujours fait capoter l'ouverture de casinos. Côté turc, l'île compte 21 établissements de jeux (1 pour 10 000 habitants !). Cette partie de Chypre, occupée par l'armée turque depuis 1974 en réaction à la tentative d'annexion de l'île par la Grèce, est sous embargo international de fait. Le tourisme est donc indispensable à sa survie économique, et les casinos représentent un jackpot inespéré.
« L'activité rapporte au moins 40 millions d'euros par an, évalue Oktay Varlier, président de l'association turque des investisseurs de tourisme. Chaque année, 400 000 touristes se rendent dans le nord de Chypre, et la majorité sont des Turcs qui y vont pour les casinos. » Autre atout : ce pays fantôme qui échappe aux contrôles financiers internationaux représente un refuge inespéré pour le blanchiment et les trafics en tout genre. Les casinos y fleurissent donc à côté des banques offshore.
(source : lexpansion.com/Laure Marchand)